Alors que Livres Hebdo célèbre en septembre les cinq ans de sa nouvelle formule, la rédaction a interrogé plusieurs acteurs du monde du livre pour leur demander où ils se voyaient dans cinq ans. À en croire quelques-unes des personnes interrogées, nous voilà à l’aube d’un grand basculement.
Accélération de l’histoire ? Il y a cinq ans nous aurions peut-être demandé à ces professionnels comment ils s’imaginaient dans vingt. Toujours est-il que ces quelques réponses apporteront des esquisses de solution et des raisons d’espérer, au moins autant que de s’inquiéter. Aujourd’hui, Marion Druart, responsable de la commission Formation de l’Association des bibliothécaires départementaux (ABD).
« C’est aujourd’hui devenu une évidence d’avoir des médiateurs numériques qui aident les bibliothèques à appréhender l’IA »
« Dans cinq ans, les évolutions profondes à l’œuvre auront creusé leur sillon : les bibliothèques départementales n’accompagneront plus seulement les bibliothèques du territoire pour constituer leurs collections, mais aussi pour diversifier leurs services en dialoguant avec les élus et les partenaires, que ce soit des structures sociales, des équipements culturels en dehors de la lecture, des associations… Se positionner auprès des écoles, c’est acquis ; mais il faut aussi développer la médiation auprès d’une population vieillissante.
Les bénévoles contribuent à ce lieu serré avec le territoire environnant, en étant souvent investis dans différentes associations de la ville. Ce sont les ambassadeurs de la bibliothèque ! Une génération de bénévoles est arrivée à épuisement, notamment au moment du Covid, mais une nouvelle génération arrive, plus désireuse de garder du temps libre, donc consciente du besoin d’un salarié dans la bibliothèque. Nos bibliothèques se professionnalisent.
Nous sommes de mieux en mieux outillés. C’est aujourd’hui devenu une évidence d’avoir des médiateurs numériques qui aident les bibliothèques à appréhender l’intelligence artificielle, notamment, à rappeler aux populations que c’est une machine de probabilités qui a ses avantages mais qui présente aussi des risques, écologiques entre autres. Nous aidons avec humilité à dépasser les fantasmes. À moyen terme, on utilisera l’IA pour nous aider à établir des diagnostics de territoire, mais cela n’enlèvera rien au fait que ce sont des femmes et des hommes qui font vivre les bibliothèques.
« Comment être pluraliste avec des collections limitées ? »
Elles deviennent des lieux de détente, de pause, mais ont surtout un rôle accru à jouer dans le débat citoyen. Sauf que des bibliothécaires seuls dans leur structure peuvent être frileux à animer un débat. Je ne leur conseille pas d’aborder des sujets brûlants sans portage politique ou partenaires — telle que leur bibliothèque départementale, qui peut organiser un cycle de lectures sur le genre, comme nous l’avons proposé en Loire-Atlantique. Nombre de sujets peuvent être évoqués sans danger mais avec une incidence politique — les questions liées à la santé, aux enjeux du numérique. En respectant le pluralisme.
Mais comment être pluraliste avec des collections limitées ? On est impactés par des ruptures budgétaires conséquentes, alors que nous avons besoin de financements pour faire circuler le livre, le film, la musique auprès de toutes et de tous. Les nouvelles compétences (la capacité à fédérer, à discuter avec les différents acteurs du territoire…) peuvent nous permettre de résister en attendant de jours meilleurs. »