Alors que Livres Hebdo célébrait en septembre les cinq ans de sa nouvelle formule, la rédaction a interrogé plusieurs acteurs du monde du livre pour leur demander où ils se voyaient dans cinq ans. À en croire quelques-unes des personnes interrogées, nous voilà à l’aube d’un grand basculement.
Accélération de l’histoire ? Il y a cinq ans nous aurions peut-être demandé à ces professionnels comment ils s’imaginaient dans vingt. Toujours est-il que ces quelques réponses apporteront des esquisses de solution et des raisons d’espérer, au moins autant que de s’inquiéter. Aujourd’hui, retour vers 2030 avec Julien Bordier, représentant chez Hobo Diffusion.
« Les idées réactionnaires gagnent du terrain sur le champ de bataille intellectuel »
« Malgré l’optimisme forcené auquel il ne faut pas renoncer, difficile d’imaginer un avenir radieux à court terme, dans cinq ans. Les idées réactionnaires gagnent du terrain sur le champ de bataille intellectuel : le militarisme a le vent en poupe, les replis identitaires et nationaux sont cultivés par des représentants politiques dépassés, la crise permanente du capitalisme fait toujours plus trinquer l’humanité et la planète. Quant aux mouvements d’émancipation, ils semblent peiner à trouver l’envol et les convergences nécessaires pour nous laisser entrevoir la possibilité d’un changement de cap radical. J’espère me tromper et m’attends à être surpris.
« Soutenir et encourager les librairies, et autres lieux de circulation du livre »
Une chose est certaine, il faudra entretenir avec obstination l’espace de liberté que peut être l’édition engagée et indépendante. Du point de vue de diffuseur et de représentant, cela implique qu’il ne faudra rien lâcher en termes d’énergie et d’enthousiasme, peut-être en redoubler : s’acharner à faire fleurir des maisons comme celles que nous représentons avec Hobo, qui s’engagent dans la propagation de pensées à contre-courant, aider à persévérer toutes celles qui éditent sans concession quant à leur esprit de révolte et d’indépendance.
Et de l’autre côté du chemin, celles et ceux que nous visitons : soutenir et encourager les librairies, et autres lieux de circulation du livre, qui pourront contre vents et marées être des espaces de socialisation politique.
Nombre commencent déjà à l’être. Sans vouloir fétichiser l’édition, le livre et sa diffusion – car tout dépend bien sûr de manières de faire et de contenus –, il est clair, depuis là où je parle aujourd’hui, que nous nous trouvons au cœur d’un antagonisme tenace qui ne fera que s’intensifier. Et tout laisse à penser que nous nous situerons encore davantage demain dans une zone à défendre et à étendre. »
