"Les désordres de l'information sont multiples, a souligné Divina Frau-Meigs, sociologue des médias. La fausse information est devenue un business. Les mêmes outils puissants qui donnent un accès formidable à l'information sont aussi ceux qui permettent de la détourner. Tout le monde pâtit de cette situation. Les chercheurs voient les résultats de leurs recherches basés sur des années de travail discrédités et réduits à un simple point de vue comme un autre qu'on peut contester. Avec les Gafam, l'information de qualité se privatise. Une mobilisation nationale et internationale est indispensable".
Sophie Malibeaux, chef adjoint du service international de Radio France international, a créé une chronique hebdomadaire, "Les preuves, des faits" qui décrypte des fake news repérées dans l'actualité. Invitée à la table ronde, elle a décrit de manière très vivante la complexité de se positionner en tant que journaliste face à la masse grandissante de "post vérités". "En tant que journalistes, nous arrivons en réaction à une fake news, après qu'elle s'est répandue sur les réseaux sociaux. On est démuni face aux gens qui en ont pris connaissance et qui sont dans une attitude de défiance vis à vis des médias professionnels. Face aux personnes qui n'hésitent pas à affirmer publiquement des choses complètement fausses, il nous faudrait des bataillons de fact checkers”.
L'exemple américain
Aux Etats-Unis, l'American Library Association (ALA) est engagée depuis de nombreuses années dans la lutte contre la désinformation. Elle a élaboré une stratégie complète et de nombreux outils mis à disposition des professionnels, publications et ressources en ligne, qui rappellent les fondamentaux de la lutte contre la désinformation : vérifier la source de l'information, son auteur, la date de publication, croiser avec d'autres sources. "Aujourd'hui, savoir quelle information est fiable est devenu très compliqué, a souligné Loida Garcia-Febo, présidente d'ALA, de passage à Paris. Notre travail au quotidien est d'aider les usagers à accéder à l'information et à l'utiliser correctement".
En France, les bibliothèques ont consciences de la part qu'elles peuvent prendre dans l'éducation aux médias et à l'information, même si, comme l'a souligné Nathalie Daigne, chef du service Développement des publics et communication de la Bibliothèque publique d'information, qui animait la table-ronde, cela constitue une tâche supplémentaire qui nécessite des compétences spécifiques.
"Les mouvements populaires récents, Nuit debout et les Gilets jaunes, traduisent un grand besoin de s'exprimer de la part de personnes qui ont le sentiment de ne pas avoir leur place dans les espaces de parole traditionnels, a souligné Philippe Colomb, directeur adjoint de la médiathèque Françoise Sagan, à Paris, pendant les échanges avec la salle. Par ailleurs, il y a une tendance aujourd'hui à traiter l'actualité en favorisant le clash et la polémique. Il faut revenir aux vrais débats où l'on s'écoute. Les bibliothèques peuvent devenir ces lieux d'échanges et proposer aux usagers des espaces de discussions régulées”.