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Comment réussir une rencontre littéraire ?

table ronde sur le métier de modérateur littéraire, organisé par Mobilis au festival Atlantide 2025 - Photo Fanny Guyomard

Comment réussir une rencontre littéraire ?

À la croisée du journalisme, de la critique littéraire et de l’animation, la modération d’une rencontre avec un auteur consiste à créer les conditions les plus favorables pour discuter de son œuvre. Comment se préparer ? Que faire face à un auteur « compliqué » ? En marge du festival Atlantide et sous la houlette de Mobilis, des spécialistes livrent leur enseignement. 

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Par Fanny Guyomard à Nantes,
Créé le 09.03.2025 à 16h03

Les modérateurs sont des professionnels indispensables à l'animation de toute rencontre littéraire. Mais le terme est-il bien adapté à la mission qu'ils exercent ? En marge du festival Atlantide qui s'est déroulé à Nantes du 6 au 9 mars, le pôle du livre des Pays de la Loire, Mobilis, a offert une formation à la modération de rencontre littéraire.

Critique littéraire ?

Animer une rencontre, c’est être un peu journaliste : il faut poser les bonnes questions et distribuer le temps de parole tout en informant le public sur le parcours de l’invité lors de l’introduction. Un incontournable, « même si l’invité est célèbre et les auditeurs avertis », prévient Guénaël Boutouillet, médiateur, critique et formateur. À charge pour le présentateur de se montrer imaginatif : face à un auteur très connu, il pourra s’amuser à faire un pas de côté, raconter l’invité sous forme d’anecdotes.

Animer une rencontre, c'est aussi accueillir et interagir avec le public. Donc être « animateur », au service du public, et pas seulement de l’auteur qui ne doit pas être sacralisé, au risque de se fermer au public, justement. Pour éviter cet écueil, le modérateur doit aussi endosser le rôle de critique littéraire, qui a travaillé à comprendre l’ouvrage questionné.

Le complexe du bon élève

S'il faut avoir lu le livre (« quand le livre n’a pas été lu, ça se voit ! »), il n'est pas nécessaire d'être expert du sujet abordé. Le modérateur doit éviter la posture du professeur ou, pire, celle du conférencier qui lui font perdre son rôle premier d’animateur-médiateur.

Guénaël Boutouillet précise qu'il faut avoir lu et avoir travaillé le livre pour le traduire en questions. « Donc les questions naissent du texte, et non l’inverse ». La tentation est grande de faire coller artificiellement les questions sur le livre au thème d’un festival.

Modérateur ?

L'animateur est-il réellement un modérateur ? « Le livre n’a pas besoin de modération, mais d’exaltation », s’amuse l'ancienne librairie Sophie Quetteville, aujourd'hui animatrice de nombreuses rencontres littéraires et qui se voit comme une « facilitatrice » dont le rôle est de « structurer et libérer la parole de l’auteur ».

Si modération il y a, c’est finalement pour se modérer soi-même, s’effacer afin de laisser toute leur place à l’artiste et à son œuvre. Sans se laisser étouffer et être bon client.

L’auteur en majesté ?

L’auteur est censé jouer le jeu, mais ce n’est pas un acquis. S'il n’a pas envie de parler de son livre, il convient de se détacher du plan de départ et de partir dans une autre direction. De la même manière, s'il ne répond que par des oui et des non, le modérateur l'orientera vers des questions ouvertes.

Que faire a contrario s'il monologue ? Assister au déploiement de la pensée de l’auteur est pertinent tant que le propos se tient. Mais si l’invité se perd, l’animateur doit être aux aguets pour insérer, avec politesse et subtilité, la question de recadrage. Guénaël Boutouillet se souvient d’une rencontre où il n’avait prononcé que trois phrases… mais restait sur le qui-vive pour analyser la grammaire et les sinuosités d’esprit de l’artiste afin d’intervenir au moment clé.

Rythme et couleur

Pour changer la mécanique d’une rencontre à l’autre, Jérémy Fabre, directeur de la maison Julien Gracq, conseille de varier les animateurs littéraires, qui ont chacun leur « couleur ».

Et pour que la mécanique soit bien huilée, faut-il interviewer l’auteur quelques jours avant l’intervention ? Là encore cela dépend des circonstances. Oui, si l'auteur en exprime le besoin. En revanche la précaution n'est pas nécessaire s’il participe à quatre tables rondes dans le week-end et à une centaine chaque année…

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