Temps agités pour certains éditeurs. La parution de La meute (le 7 mai chez Flammarion), enquête fouillée sur le fonctionnement interne de La France insoumise, a déclenché une vague de menaces et d'attaques personnelles contre ses auteurs, Charlotte Belaïch et Olivier Pérou. Les journalistes, qui décrivent dans leur ouvrage un climat de harcèlement et de purges au sein du parti, ont été violemment pris à partie sur les réseaux sociaux. Jean-Luc Mélenchon lui-même a qualifié les auteurs de « gens dégénérés » qui auraient « relu et réinventé » la vie privée des dirigeants de son parti.
Des menaces et intimidations qui ont poussé Flammarion à publiquement soutenir ses auteurs. « Nous tenons à exprimer notre plein et entier soutien face aux attaques personnelles dont sont victimes les journalistes Charlotte Belaïch (Libération) et Olivier Pérou (Le Monde), notamment sur les réseaux sociaux », a écrit la maison d'édition dans un communiqué publié vendredi 23 mai. « Les attaques ad hominem à l'encontre de Charlotte Belaïch et Olivier Pérou sont inacceptables (...). Les journalistes et auteurs doivent pouvoir exercer leur métier sans crainte de menaces, d'intimidation ou de représailles », poursuit la maison d'édition qui indique être déjà en train de réimprimer le livre, par ailleurs actuellement en tête des ventes d'essais du top GFK/Livres Hebdo.
Double dégradation des locaux d’Humensis
Vendredi 23 mai ensuite, les locaux du groupe Humensis ont été la cible d’une action militante. Le collectif féministe NousToutes a revendiqué la dégradation des locaux par des tags et de la peinture, en réaction à la publication du livre de Nicolas Bedos, La soif de honte publié là aussi le 7 mai aux Éditions de l'Observatoire.
Les militantes dénonçaient dans un communiqué la « tribune offerte à un homme accusé de violences sexistes » et entendaient protester contre la banalisation de la parole des personnes mises en cause.
En début de mois, c'était au tour d'un autre éditeur du groupe Humensis / Albin Michel, les Presses universitaires de France (PUF), dont l’essai Face à l’obscurantisme woke a suscité de vives réactions dès sa parution, de se voir attaqué. L’ouvrage collectif, a fait l’objet de fortes pressions visant à annuler ou repousser sa sortie. Le 30 avril, alors qu'il a finalement paru, les locaux des PUF ont été visés par des collages et pochoirs. Des inscriptions telles que « Féministes contre la propagande fasciste » ont été apposées sur les vitrines de la maison d’édition, tandis que des pochoirs « Féministes woke fières » et « PUF + Stérin = cœur » ont été retrouvés sur le trottoir, selon des photos relayées sur les réseaux sociaux. Le livre a depuis plusieurs fois été réimprimé, et son éditeur indiquait à Livres Hebdo « un très bon démarrage, à notre échelle », avec un livre qui « attire anormalement les curiosités, avec une accumulation d'éléments et de faits indépendants qui ont créé un coup de projecteur particulier sur le projet ».
Fayard attaqué au Festival du Livre de Paris
Enfin, le mois dernier, lors du Festival du Livre de Paris, Fayard a été la cible d’une attaque verbale lors d’une table ronde, certains intervenants lui reprochant la publication d’ouvrages jugés « réactionnaires » ou « dangereux ». Samedi 12 avril, un groupe de militants a déployé des banderoles et déclamé les slogans « Fayard finance l’extrême droite » ou « Bolloré, casse-toi, le monde du livre n’est pas à toi », sous le regard impassible des équipes de la maison d'édition du groupe Hachette, propriété de Vincent Bolloré depuis 2023.
Le même jour, plusieurs associations de soutien à l’Ukraine sont venues perturber la séance de signatures de la journaliste russe Xenia Fedorova, autrice de Bannie. Liberté d’expression sous condition, également chez Fayard. Des peluches « ensanglantées » et des tracts évoquant des journalistes et des enfants tués par la Russie ont été lancés en direction de l'ancienne patronne de RT France (ex-Russia Today), que les manifestants accusent d'être une propagandiste de Vladimir Poutine.
Ces dernières années, d'autres pressions politiques emblématiques ont agité le monde du livre français, de la polémique autour des albums et expositions de Bastien Vivès lors du festival d'Angoulême 2023 (et du procès pour menaces de mort qui a suivi), à la censure de collages féministes dans une librairie niçoise ayant conduit le ministère de l'Intérieur devant la justice, ou encore de l’arrestation à Londres de l’éditeur de La Fabrique, interpellé pour sa participation à des manifestations en France.