En avril 2023, l'arrestation d'Ernest avait suscité l'indignation dans le milieu du livre. Le responsable des droits étrangers de la maison d'édition La Fabrique avait été arrêté par la police antiterroriste britannique alors qu'il se rendait à la Foire du livre de Londres, comme chaque année. Après 24h de garde à vue, Ernest avait été libéré avec une convocation à la cellule antiterroriste britannique, mais son ordinateur et son téléphone lui avaient été confisqués. Le mobile officiel de son arrestation : sa participation à des manifestations en France, alors que le mouvement contre la réforme des retraites battait son plein.
Dans un communiqué, La Fabrique dénonçait alors certains procédés de l’interrogatoire parmi lesquels l'ordre de « nommer les auteurs “antigouvernementaux” » du catalogue des éditions et avait suggéré une implication des pouvoirs français dans cette affaire. « Au-delà de la situation scandaleuse de l'antiterrorisme qui enquête sur les intentions et la vision politique et philosophique de personnes en privation de liberté, aucune de ces questions ne devrait être pertinente pour un officier de police britannique, écrivaient les éditeurs de La Fabrique. En outre, poser des questions au représentant d'une maison d'édition, dans un cadre antiterroriste, sur les opinions de ses auteurs, c'est pousser encore plus loin la logique de censure politique et de répression des courants d'idées contestataires. »
« Justice est faite »
Dès les mois de juin et de juillet 2023, les poursuites à l'encontre d'Ernest ont été abandonnées, son matériel lui a été rendu et l'illégalité de sa garde à vue, reconnue par l'Independent Reviewer of Terrorism Legislation (IRTL). Une copie de leur rapport est disponible ici : https://terrorismlegislationreviewer.independent.gov.uk/report-on-use-of-schedule-7-powers-ernest-moret/. L'avocat d'Ernest, Richard Parry, avait alors engagé une action en dommages et intérêts pour abus de pouvoir dans l'exercice d'une fonction publique et détention abusive, que le commissaire de la Metropolitan Police a finalement accepté de régler. « L’accord implique le versement d’une somme substantielle, à cinq chiffres, qui inclut les frais de justice de nos clients », précise l'avocat dans un communiqué daté du 26 avril 2024, avant de conclure : « Notre client souhaite également obtenir la confirmation que les recommandations de l'IRTL ont été suivies d'effet, afin d'éviter qu'un cas similaire ne se reproduise à l'avenir. »
Les éditeurs de la maison quant à eux saluent cette bonne nouvelle et remercient ses soutiens « Dans un moment où la liberté d’expression de certaines organisations, du mouvement social et d’intellectuel·les est menacée, il nous rappelle que la mobilisation collective paie : justice est faite ! »
Quelques semaines après cette affaire, une autre inquiétait la maison d'édition La Fabrique : le titre d'un de leurs auteurs, Andreas Malm, avait été cité dans le décret de dissolution des Soulèvement de la Terre rédigé par Gérald Darmanin. Cette dissolution n'a finalement pas eu lieu.