FAMILLE
Le grand projet littéraire d'Anne Berest est « d'écrire un arbre généalogique », une « œuvre famille », en passant par la transgénéalogie, c'est-à-dire la transmission visible et invisible entre les générations. Une famille-matière qui compte sa sœur et coautrice Claire, prend pour objets ses parents, ses grands-parents, les absents. Finistère s'ouvre sur la figure du grand-père Eugène mais glisse vers celle qui prend bientôt toute la place : le père, Pierre. En particulier à l'adolescence, ce moment « d'étiolement » naturel du lien père-fille, « ce retrait silencieux des deux, qui passe aussi par les corps ». Elle s'interroge sur « l'inquiétude que génère, chez les filles, l'incertitude de l'amour d'un père silencieux ». Un livre écrit pour son père, qui se termine sans lui.
JUDAÏSME
Son livre précédent, La carte postale, retraçait la disparition de sa famille maternelle, les Rabinovitch, juifs ashkénazes anéantis à Auschwitz. Anne Berest se tient au carrefour de ces deux héritages, l'un breton, terrien, catholique ; l'autre, diasporique, tragique.
PICABIA
Lélia, la mère d'Anne Berest, est la petite-fille du peintre Francis Picabia. Un monument dans la galaxie familiale, évoqué dans le livre Gabriële, coécrit avec sa sœur cadette Claire. Lélia apparaît ici, comme un clin d'œil, pour dire l'« indifférence non feinte » de sa mère d'en être l'héritière.
BRETAGNE
C'est par le Finistère qu'Anne Berest entre dans l'histoire de sa lignée paternelle. La Bretagne, dont elle s'est longtemps sentie exclue, indigne, devient un sol généalogique et politique, une terre d'hommes taiseux et de luttes sociales oubliées. En retrouvant les cahiers de son grand-père Eugène, syndicaliste rural de Saint-Pol-de-Léon, elle ouvre un nouveau volet dans son travail littéraire : « une histoire de France », nous dit-elle, après « l'histoire de l'art avec Gabriële, et l'histoire du judaïsme avec La carte postale ».
TRANSMISSION
« J'écris pour la génération d'après, en voulant transmettre quelque chose du passé », explique Anne Berest à propos de son style clair, qu'elle souhaite accessible au plus grand nombre. Perpétuellement en quête de mémoire, elle a voulu faire de ce livre « le pendant paternel à La carte postale ». Mais comment faire lorsque l'héritage est parcellaire ? L'autrice met alors en récit les absences, les cahiers retrouvés, les gestes esquissés. Elle interroge ce qui fait mémoire dans cette branche familiale, qui n'a pas toujours voulu, ou su, transmettre.
Finistère
Albin Michel
Tirage: 80 000 ex.
Prix: 23,90 € ; 432 p.
ISBN: 9782226487186