Un bout de soi. Comment faire face aux côtés d'un amour en proie à une longue maladie qui risque de l'emporter ? Lorsque Rebeka et sa femme Pauline apprennent que cette dernière est atteinte d'un cancer du sein, elles reviennent tout juste d'un grand voyage au Mexique où elles ont passé quelques semaines de plus que prévu car Pauline a contracté le chikungunya. Elles avaient déjà remarqué la petite boule qui persistait comme un kyste dans la poitrine de Pauline, mais ne s'en alarmaient pas vraiment. Pauline consulte un généraliste pour vérifier d'éventuelles séquelles du virus et montre cette boule un peu douteuse. À l'annonce du diagnostic par un oncologue, il y a certes un peu de panique, mais aussi le flegme du déni. « Je pensais qu'on guérissait toujours d'un cancer du sein », avoue l'autrice quand elle repense à cette période d'avant les chimios, leurs effets secondaires, le rythme insupportable des allers-retours à l'hôpital qui progressivement deviennent la ponctuation principale du cours de l'existence. Est-ce possible d'imaginer le parcours du combattant que mène une personne atteinte d'un cancer lorsqu'on n'a jamais été proche de cette maladie ?
Dans Toutes les vies, la chanteuse et musicienne Rebeka Warrior fait le récit du quotidien de sa femme malade, qui est aussi le sien. Elle raconte son parcours d'aidante, son énergie d'abord décuplée pour venir en aide à Pauline, pour l'accompagner à tous les rendez-vous, pour lui apporter de la joie, pour faciliter l'organisation de ce nouveau quotidien afin qu'elle se repose. Elle traduit la réalité de ce qu'elles nomment ensemble le « tunnel de la merde en barre », soit « un tunnel de soins et d'administratif qui t'aspire tout entière », mais aussi les douleurs, la fatigue, le visage morne des autres patients et celui d'un service public asséché. Puis arrive ce moment de grâce, la rémission annoncée au bout d'une année de traitements, les désirs et l'espoir qui reviennent, et les projets qui fusent, avant que les résultats d'analyse n'affichent une rechute. Rebeka Warrior se souvient de la culpabilité, de la honte, de la fuite, de la douleur d'un espoir qui s'amenuise, de la tristesse de voir son amour se dégrader, progressivement partir. « Je ne savais pas ce que ça faisait de perdre quelqu'un de si proche. Je ne savais pas. C'est comme perdre un bout de soi. Ça laisse un trou. Je ne supportais plus de voir Pauline souffrir, mais maintenant qu'elle n'est plus là je me demande ce qui est pire. L'absence fait tant souffrir. »
Dans ce texte poignant, Rebeka Warrior raconte aussi comment la lecture - de nombreuses citations et références à des auteurs jalonnent le texte -, la pratique du Zazen, l'amitié, la fête puis le retour à la création ont rouvert son désir de continuer à vivre, entre les périodes de rechute dans l'excès et les moments de lutte pour se redresser. « La vie est une chienne et tu dois la dresser. »
Toutes les vies
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Tirage: 6 000 ex.
Prix: 20,90 € ; 288 p.
ISBN: 9782234097711