Propriété intellectuelle

La protection des tours de magie et des secrets de magiciens (1/2)

La protection des tours de magie et des secrets de magiciens (1/2)

Les magiciens peuvent compter sur le droit de la propriété intellectuelle qui considère leur travail comme une création artistique.

A la veille de Noël, les éditeurs publient des carnets de magie et autres livres pour distraire les enfants, par surcroit confinés.  Le succès des illusions ne se dément pas. Or, il faut en passer par un contrat avec un magicien, dont les astuces sont parfois très anciennes mais souvent novatrices.

Les tours de magie ont ceci de spécifique qu’ils poursuivent comme objectif de tromper ce que croient voir les yeux du public au moyen d’artifices et de manipulations mentales. Afin de parfaire cette illusion, le magicien compte donc sur deux éléments : la confiance que le public lui accorde et l’utilisation de moyens techniques. Or, tout ce système repose sur la préservation du secret qui entoure les moyens techniques « magiques » utilisés par le prestidigitateur. 
Ainsi, il est fondamental que les secrets techniques du tour de magie soient savamment gardés, car ils constituent l’essence même de la profession de magicien. 

Secrets et illusions

Pour ce faire, les magiciens peuvent compter sur le droit de la propriété intellectuelle qui considère leur travail comme une création artistique.  En effet, dans les dispositions de l’article L112-2 du Code de la propriété intellectuelle, il est prévu que sont considérées comme des œuvres de l’esprit « Les œuvres chorégraphiques, les numéros et tours de cirque, les pantomimes, dont la mise en œuvre est fixée par écrit ou autrement » (4°). Cette protection par le droit est d’autant plus nécessaire que les médias ou d’anciens artistes tendent à vouloir révéler de plus en plus les secrets des magiciens. Or, il est certain que ce phénomène porte atteinte à l’esprit des œuvres des magiciens. S’il n’y a plus de secret, le tour de passe-passe n’a plus d’intérêt. 
Il est ainsi révélateur de mettre en lumière les deux sphères du droit de la propriété intellectuelle (Propriété industrielle et Propriété littéraire et artistique) à l’épreuve du spectacle de magie, aux fins d’étudier les mécanismes complémentaires qui s’offrent aux magiciens en tant que professionnels du spectacle. 

Rappelons que la propriété industrielle vise notamment à protéger les inventions techniques par le droit des brevets. Le fait que les tours de magie reposent sur des procédés d’escamotage laisse à penser que ce droit pourrait permettre de protéger les secrets techniques de ces tours. Toutefois, si ce droit peut effectivement apporter une certaine protection, elle n’en reste pas moins relative. 

Secrets et commercialisation

Le régime juridique des brevets laisse penser qu’il peut permettre une protection efficace des tours de magie. Rappelons en effet, que sont brevetables les innovations, nouvelles, susceptibles d’application industrielle. Or, les tours de magie ont souvent pour base des techniques spéciales, voire l’utilisation de machines techniques qui sont susceptibles d’obtenir une protection par le brevet. On pense notamment à la fameuse boite « magique » utilisée pour créer l’illusion d’un corps couper en deux. A cette utilisation de machinations techniques s’ajoute le fait qu’elles sont susceptibles de commercialisation entre praticiens de la magie. En outre, bien souvent les mêmes tours se retrouvent d’un spectacle à l’autre ce qui conforte l’hypothèse d’une application industrielle. 

La protection par le droit de la propriété industrielle semble donc ouverte aux tours de magie. Néanmoins, une difficulté survient puisque, pour déposer un brevet, il est nécessaire de décrire avec précision le procédé technique créé qui sera ensuite rendu public. 
L’article L612-21 du Code la propriété intellectuelle précise en effet que toute demande de brevet est publiée au terme d’un délai de 18 mois à compter de sa date de dépôt. Cet impératif de publicité apparaît problématique pour les magiciens car leur souhait est de conserver le secret de leur tour. 

Secrets et sélection

Si un magicien choisissait la protection au titre des brevets, il ne pourrait alors protéger que l’exploitation du tour et non pas son secret.  
Quand la protection au titre de la propriété industrielle semble peu efficace pour conserver le secret des tours de magie, il est judicieux de se poser la question d’une protection par le droit d’auteur. 

Au préalable, distinguons nécessairement deux éléments susceptibles d’être qualifiés d’œuvre de l’esprit, à savoir l’« effet magique » et le « numéro de magie ». Le premier, est l’effet qui créé chez le spectateur l’illusion d’une réalité qui dans les faits est erronée. Le second, est un ensemble d’éléments qui participent à la réalisation du tour de magie. Il comprend notamment le son, l’éclairage, les costumes, la musique, etc.

Ainsi, le droit d’auteur pourrait permettre de protéger l’œuvre de magie en tant que telle, et non pas le simple procédé technique qui crée une illusion. 

Si le lecteur s’intéresse tout d’abord à l’effet magique, aussi appelé tour de magie, il peut supposer que le-dit effet relève de la catégorie des œuvres de l’esprit. En effet, le magicien doit faire des choix pour parvenir au résultat d’une illusion. Dans le but de bénéficier de la protection par le droit d’auteur, il faut, d’une part, une « originalité » qui résulte de choix reflétant la personnalité de l’auteur et, d’autre part, que l’œuvre prenne forme. 

Secrets et manipulation

Cependant, cette exigence de forme se distingue de la simple idée qui est de libre parcours. Ainsi, un effet magique relèverait davantage de la catégorie des idées puisque, bien souvent, la base de certains tours de magie est identique alors même que le résultat final peut varier. De même, il convient de préciser que la jurisprudence exclue les simples « méthodes » de la protection par le droit d’auteur. 

Pour ce qui est du « numéro de magie » en tant que tel, il semble plus aisé de le qualifier d’œuvre de l’esprit. En effet, le numéro est un ensemble de manipulations dans lequel les effets magiques sont enchaînés. Mais pas seulement, puisque le magicien va créer une mise en scène et une chorégraphie avec des choix de costumes, de musiques ou encore de lumières. Le numéro de magie pourrait donc accéder à la protection par le droit d’auteur par sa qualité d’œuvre chorégraphique. Cette œuvre pourrait notamment être matérialisée par des notes de mise en scène ou par une captation du spectacle de magie. 

Les magiciens font certes parfois appel à des tours très anciens, mais y mettent généralement une touche personnelle, qui s’incarne par de multiples choix dont la combinaison qui peut être protégeable : décor, discours, costumes, matériaux. Il ne faut donc se tromper sur l’exploitation sous forme de livre d’un vieux numéro, tombé dans le domaine public. Sa modernisation par l’homme de l’art (ou la femme qui n’est pas toujours destinée à être coupée en deux sur scène !) peut être source de revendications juridiques et donc financières.
 
(à suivre)
 
 
 
 
 

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