Série Printemps des poètes 3/4

La Factorie, une fabrique du rayonnement poétique entre Rouen et Paris

Julie Le Meur (chargée du livre et de la lecture) et Charlène Damour (directrice), à La Factorie, sur l'île du Roi (Val-de-Reuil, Eure), le 13 mars 2025. - Photo Souen Léger

La Factorie, une fabrique du rayonnement poétique entre Rouen et Paris

À l'occasion du Printemps des poètes, Livres Hebdo donne la parole à celles et ceux qui font vivre le genre, sur le papier et bien au-delà, à travers quatre rencontres. Charlène Damour, nouvelle directrice de La Factorie, maison de poésie de Normandie, et Julie Le Meur, chargée du livre et de la lecture, nous ouvrent aujourd'hui les portes de cette ancienne usine, située sur l'île du Roi (Eure). Entre les murs comme sur les routes, à bord du Poètobus, une équipe de six personnes nourrit le fleuve « Poésie » : en amont, avec l'accueil d'artistes en résidence, et en aval, en l'amenant auprès de tous les publics.

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Par Souen Léger
Créé le 20.03.2025 à 12h10

Moulin, fabrique de pâte à papier, puis fabrique électrique, La Factorie est aujourd'hui, et depuis 2015, une fabrique poétique. Située sur l'île du Roi, entre Paris et Rouen, cette maison de la poésie, la toute première en Normandie, se découvre après une courte marche depuis la gare de Val-de-Reuil, le long des berges de l'Eure.

« Au commencement, on nous a regardés avec de gros yeux », se souvient Charlène Damour, directrice du lieu depuis septembre 2024. « Aujourd'hui, il n'y a plus besoin d'argumenter quant à la place et à la nécessité de la poésie », poursuit celle qui a participé aux débuts de l'aventure aux côtés de l'ancien directeur, Patrick Verschueren. Tombée amoureuse du lieu alors qu'elle faisait partie d'une compagnie associée, la Normande ne l'a plus quitté depuis.

Un modèle « à inventer »

En cet après-midi du mois de mars, tout semble calme dans cet écrin de verdure, comme entre les murs du bâtiment de 1902 où le lierre court sur les briques. Mais derrière les portes rouges, la ruche bourdonne tranquillement. Au rez-de-chaussée, un grand café-librairie accueille les premiers visiteurs. Dans l'une des salles, des professeurs des écoles échangent avec une conseillère pédagogique sur les façons de mêler poésie et dessin avec leurs élèves.

Avec un budget de fonctionnement de 480 000 euros, et moins de 150 000 euros de subventions, La Factorie travaille en effet d'arrache-pied pour se financer, multipliant actions de médiation culturelle et participations aux appels à projets. Le tout orchestré par une équipe de six personnes. « En dix années, on a tous construit notre emploi ici. Tout était à inventer, il n'y avait pas de modèle », souligne Charlène Damour, qui aide aujourd'hui d'autres structures à se créer, comme la maison de la poésie de Caen.

Ouvrir les portes des théâtres

Dans l'ancienne maison de l'éclusier et son bâtiment principal, La Factorie reçoit notamment une cinquantaine d'artistes, d'octobre à mai, en résidence d'écriture et de création, avec la possibilité d'explorer le plateau, l'ancienne usine abritant une grande salle de spectacle. Estrade, piano à queue, canapé en velours, rideaux rouges aux fenêtres, suspension de mots… Au rez-de-chaussée, aussi, l'endroit ressemble à un décor de théâtre, rappelant l'une de ses anciennes vies puisqu'il accueillit le théâtre Éphéméride de 1993 à 2015, sous la houlette de Patrick Verschueren. Amoureux de la poésie, le metteur en scène transforme ensuite le lieu sur une intuition, qui se révèle juste au fil des ans.

Le café-librairie de La Factorie (Val-de-Reuil, Eure).
Le café-librairie de La Factorie (Val-de-Reuil, Eure).

 

« Là où on peinait un peu, on arrive aujourd'hui à attirer tous types de publics », se réjouit Julie Le Meur, chargée du livre et de la lecture, mais aussi responsable de la bibliothèque du Centre de détention de Val-de-Reuil. Celle qui a commencé à La Factorie en y faisant le ménage et l'accueil des artistes, a ensuite développé la librairie puis la « poétothèque », soit 7 000 références consultables sur place. La maison se remplit désormais lors des soirées de sorties de résidence, des scènes ouvertes, ou encore des concours de slam et rap.

Depuis 2023, le Poètobus, un projet également porté par Julie Le Meur, emmène la poésie dans les communes rurales, les quartiers prioritaires et les établissements de soins normands. Financé grâce au soutien du Crédit Agricole, le véhicule transporte de la poésie en format papier et audio, des jeux de société, des craies pour écrire sur la carrosserie, un studio d'enregistrement, et à l'occasion, des poètes et poétesses en goguette, qui y donnent des ateliers ou écrivent des poèmes-minute. Avec l'ensemble de ses actions, l'équipe estime avoir touché 8 500 personnes en 2024.

À l'heure où l'avenir du pass Culture est plus qu'incertain, menaçant le financement de certaines activités, Charlène Damour entend créer de nouveaux ponts entre acteurs culturels. « J'aimerais demander à tous les théâtres de se mettre en contact avec les maisons de poésie et d'ouvrir leurs portes pour inviter un poète, une poétesse, par exemple en première partie », défend-elle. Voilà un vœu bien ficelé pour les dix ans de La Factorie, qui seront célébrés en 2026.

Le Poètobus de La Factorie.
Le Poètobus, né sous l'impulsion de Julie Le Meur, sillonne les routes de Normandie, et au-delà.

 

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