Livres Hebdo : Vous avez eu moins de huit mois pour penser et organiser la 27e édition du Printemps des poètes. Quelle a été votre priorité en tant que directrice artistique ?
Linda Maria Baros : Pour cette édition 2025, au côté des milliers d'organisateurs, l'équipe du Printemps souhaite rendre encore plus manifeste le dynamisme de la poésie afin qu'elle se donne à voir telle qu'elle est aujourd'hui : volcanique. Il nous a semblé important de remobiliser tous les réseaux possibles autour de la poésie, avec d'un côté les auteurs et les maisons d'édition, de l'autre les bibliothécaires, les libraires, mais aussi des réseaux beaucoup plus englobants, qui sortent de l'écosystème strictement créatif. C'est une aventure absolument vertigineuse ! Mais cette proposition a été reçue avec intensité et enthousiasme. Tout le monde a répondu présent pour célébrer la poésie, sa force réverbérante, sa diversité.
Vous êtes entourée d'un nouveau président, Emmanuel Hoog, par ailleurs cofondateur de l'événement, et d'un conseil d'administration élargi, rajeuni et féminisé. Quels changements cette nouvelle équipe a-t-elle apportés ?
Cette équipe incarne à la fois la continuité et le renouveau, et souhaite donner un nouveau visage au Printemps. Tout se passe dans une effervescence extraordinaire. C'est là que se situe le grand changement : on a toutes et tous la volonté de mettre en avant cette éruption créative, au niveau de l'écriture, de la mise en voix de la poésie, mais aussi une éruption événementielle avec une multiplication et une diversification des actions.
« Il y a une richesse dans le monde éditorial poétique ainsi qu'une nouvelle génération qui défend une poésie très incarnée »
Éruptive, la dernière édition l'a été, avec la polémique autour de Sylvain Tesson dont le choix comme parrain avait été vivement critiqué par plusieurs acteurs du monde de la culture... Comment avez-vous travaillé à réunir la famille poésie ?
Je travaille depuis très longtemps dans le milieu poétique français, j'ai ce grand plaisir, ce grand bonheur. Il a suffi d'envoyer des invitations, d'échanger au téléphone, par mail. Certains des poètes qui participent au Printemps cette année avaient signé la tribune dont vous parlez, ils ont tout de suite répondu « oui » à notre invitation.
Vous interrompez cette année l'abécédaire initié par l'ancienne directrice artistique, Sophie Nauleau. Vit-on un moment particulièrement volcanique en poésie ?
Bien entendu, il y a une richesse dans le monde éditorial poétique ainsi qu'une nouvelle génération qui défend une poésie très incarnée, très forte, porteuse de messages. Elle sera bien représentée lors de l'inauguration qui aura lieu le 14 mars à l'Arc de Triomphe, puisqu'il s'agit d'un spectacle en immersion binaurale (binaural signifie « ayant trait aux deux oreilles », ndlr) qui entremêle des voix et des formes multiples de France et de Belgique, nouant un dialogue intergénérationnel avec des invités comme Lisa Debauche, Carl Norac, Victor Malzac, Baptiste Pizzinat, ou encore Esther Tellermann.
« Le déferlement poétique doit se situer à tous les niveaux : sur le papier et dans la sphère virtuelle »
Côté nouveauté, vous lancez le 14 mars une opération QR code en partenariat, notamment, avec l’Union nationale des fleuristes et renvoyant vers une anthologie numérique et audiovisuelle. Le Printemps a donc décidé de plonger dans le grand bain numérique ?
Il est important, dans un monde qui se développe aussi et même surtout autour de la dimension numérique de l'existence, que la poésie y soit de plus en plus présente. Le déferlement poétique doit se situer à tous les niveaux : sur le papier, par exemple avec les anthologies publiées par les éditions Seghers et Bruno Doucey en partenariat avec le Printemps, à travers les événements, et dans cette sphère virtuelle. Ces vidéo-capsules se prêtent parfaitement bien à un investissement plus effervescent et beaucoup plus accessible.
Emmanuel Hoog a évoqué auprès de Livres Hebdo la nécessité d'aller chercher des financements privés. Avez-vous des pistes ?
Il y a eu de nouvelles demandes déposées, nous attendons encore des réponses. Il serait salutaire de multiplier les partenariats à partir de l'édition 2026, afin d'être en mesure d'organiser des campagnes poétiques encore plus amples, des événements toute l'année dans le cadre de la « saison continue » du Printemps, et de développer le programme d'éducation artistique qui se déroule lui aussi de janvier à décembre.
Vous avez organisé pendant plusieurs années le Printemps des poètes en Roumanie et en Moldavie. Quels liens gardez-vous avec la manifestation ?
Désormais, il se déploie tout seul, il a pu s'enraciner dans ces deux pays. Je souhaite nouer des partenariats avec ce double espace d'expression roumaine, mais aussi avec les pays d'Europe et au-delà, via des traductions, des événements, notamment pour donner plus de visibilité à la création d'expression française.