Contrairement aux prévisions fantaisistes qui avaient accompagné le lancement du Kindle d’Amazon et de l’iPad d’Apple, le livre imprimé est toujours bien présent, et ses ventes repartent même à la hausse, s’est félicité Charlie Redmayne, directeur général d’HarperCollins au Royaume-Uni, au cours de son intervention inaugurale de la journée de préouverture de la Foire du livre de Francfort, le 9 octobre.
Mais sa situation est néanmoins complexe et fragile, en raison de la réduction de son exposition dans la grande distribution, et de la concurrence que subit le commerce physique. "Le livre est à l’origine de 52% de la production de séries et de films, c’est un moyen de maintenir son audience", a-t-il affirmé, tout en reconnaissant la concurrence de plus en plus vive de Netflix, de la vidéo en général et de l’univers numérique.
D’où la nécessité d’exploiter tous les moyens de diffusion, en commençant par travailler plus étroitement avec la librairie indépendante, que "nous nous efforçons d’aider de toutes les manières possibles", et en explorant les circuits de vente non traditionnels, notamment pour la non-fiction.
Le livre audio en vedette
Mais le support le plus prometteur est celui du livre audio, qui ne cannibalise pas le livre papier et attire un segment de clientèle plus jeune, plus urbain, plus masculin et proche dans ses comportements de celui de la musique. "Google et Apple arrivent sur ce marché, il sera très intéressant d’observer leur stratégie", s’enthousiasme Charlie Redmayne, prêt aussi à se lancer dans les solutions d’abonnement, si les consommateurs le demandent. "Il est surtout très important de recueillir le plus de données possibles sur toutes ces évolutions, ce que nous permet notre implantation internationale", a-t-il insisté.
C’est ce qui fonctionne en Suède, pays où ce mode d’accès se généralise à une multitude de biens et de services. BookBeat s’est lancé en 2016 dans ce contexte favorable, et compte aujourd’hui 130 000 clients payant, dont le temps d’écoute moyen atteint 24 heures par mois (presque autant que de musique) pour un forfait annuel de 180 euros. La société emploie aujourd’hui 50 personnes, s’est implantée en Finlande, et arrive au Royaume-Uni et en Allemagne, indique son directeur général, Nicolas Sandin. Les projets dans le livre audio ne sont pas toujours gagnants: BookChoice, dont le modèle est basé sur des partenariats de services avec de grands groupes, a dû renoncer en Allemagne, faute de pouvoir fidéliser ses clients, regrette Nathan Hull, responsable du contenu de cette société de diffusion sur abonnement, rencontré à l’issue de la conférence. En France, BookChoice n’a pas pu s’implanter, faute d’avoir trouvé des partenaires alors que les éditeurs étaient prêts à le suivre.
Les ventes unitaires en baisse
Les évolutions sont de fait complexes. Alors que les marchés suivis (Grande-Bretagne, Italie, Espagne, Etats-Unis, Mexique, Brésil, Afrique du Sud, Australie, Nouvelle-Zélande, Inde, etc.) par l’institut Nielsen sont presque tous en reprise, à des degrés divers, les éditeurs allemands vivent une situation plus contrastée: leur volume d’affaires global se maintient, grâce à des hausses de prix, mais les ventes unitaires baissent, s’inquiètent-ils.
Le Börsenverein, l’organisation interprofessionnelle du livre en Allemagne, a réalisé une étude pour en identifier les causes: elles viennent d’une chute du lectorat, très marquée dans la tranche d’âge 20-50 ans, où quelque 7 millions de personnes auraient progressivement abandonné la lecture au profit d’autres loisirs, tout en se disant paradoxalement convaincues des bénéfices que peut apporter le livre dans un univers de surabondance de contenus à l’origine incertaine. Mais c’est aussi la surabondance de livres et l’absence de repères fiables pour leur choix qui les dérouteraient finalement, selon l’analyse du Börsenverein.
En Chine, en revanche, tout va bien: les ventes ont progressé de 14% l’an dernier, selon Jiang Yanping, directrice générale de la société d’étude de marché Open Book.