Entretien

Marion Jablonski (Albin Michel) : "Fidèle à ma maison, mais jamais immobile"

Marion Jablonski, Albin Michel jeunesse - Photo Olivier Dion

Marion Jablonski (Albin Michel) : "Fidèle à ma maison, mais jamais immobile"

Marion Jablonski, directrice des départements jeunesse et bande dessinée d’Albin Michel, partage avec Livres Hebdo sa stratégie éditoriale, entre valorisation de ses auteurs et vigilance sur le young adults.
 

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Par Dahlia Girgis,
Créé le 11.05.2021 à 22h13

Elle est à la tête des des départements jeunesse et bande dessinée d’Albin Michel depuis les années 1990. Marion Jablonski, également présidente du groupe jeunesse du Syndicat national de l'édition (SNE) nous a accordé un entretien et nous partage sa stratégie éditoriale pour Albin Michel Jeunesse.

Livres Hebdo : Comment présenteriez-vous la littérature jeunesse aujourd’hui ?
Marion Jablonski : Difficile de définir en deux mots ce qu’est la littérature jeunesse en général. Je cultive chez Albin Michel jeunesse un esprit d'ouverture et un attachement indéfectible à la création, dans le domaine du texte comme dans celui de l’image. Ma préoccupation est de construire un catalogue qui soit accessible, non pas à une seule catégorie d’enfants mais à des enfants qui n’ont pas tous le même accès à la culture. J’ai découvert en littérature jeunesse un espace de liberté et de renouvellement incessant.

Comment gérez-vous éditorialement la diversité de votre offre avec cette évolution constante ?
Quand j’ai rejoint le département jeunesse, il était quasi exclusivement réservé à l’illustré. Depuis, nous avons développé à part égale le roman. L’année 2020 a certes été très stressante mais ce fut aussi pour nous celle de la renaissance de la BD. Un enjeu formidable et réussi dont le fer de lance est l’extraordinaire succès de Sapiens.

Combien de titres seront publiés en 2021 ?
Nous publions environ 140 titres par an. Je n’ai pas l’intention d'en publier plus. Ma préoccupation, c’est d’arriver à défendre chaque titre et non de les empiler les uns derrière les autres. Cela demande de l’attention et de l’accompagnement.
 



Comment valoriser vos parutions dans le vide médiatique qui entoure en France la littérature jeunesse ?
La France a un déficit de résonance médiatique pour la littérature jeunesse, mais elle a un réseau de libraires unique au monde. Ce sont eux nos premiers relais et ils jouent un rôle important d’influenceurs, ainsi que les bibliothécaires. La passion de la lecture circule aussi à travers les réseaux sociaux qui se renouvellent sans arrêt, elle s’appuie sur les communautés de lecteurs et elle est relayée par le marketing digital développé par les éditeurs.

Comment vendez-vous par exemple un classique comme la série Elisabeth d’Annie Jay ?
Nous avons des temps forts de mise en avant commerciale dédiés à nos deux collections phares en poche inédit : Elisabeth et Célestine. Nous sommes présents sur tous les réseaux et soignons aussi les liens avec nos lectrices et lecteurs grâce à de charmants marque-pages qui sont collectionnés ou encore des jeux-concours.

Vous avez une catégorie young adult, comment a-t-elle évolué ces dernières années ?
Une de mes fiertés est la collection Stephen King. Il est primordial de faire découvrir aux jeunes que ce grand maître de la littérature fantastique est à l’origine de la plupart des choses qu’ils lisent et qu’ils regardent. Il fallait faire, dans cet énorme corpus, les choix appropriés à un lectorat adolescent.

 

Légende courte: 
Les langoliers de Stephen King
 


Est-ce qu’il y a des sujets sensibles à aborder en jeunesse, comme la sexualité ?
Nous allons publier en novembre Adosexo de Camille Aumont Carnel, qui a créé le compte Je m’en bats le clito sur Instagram. Notre boulot, c’est d’avoir des antennes et de percevoir ce qui se passe dans la société. Il n'est pas question d’imposer des modèles mais j’attache la plus grande importance à rendre disponible pour tous les jeunes une parole libératrice comme celle de Camille.

Est-ce que vous êtes plus vigilante sur certains sujets comme le sexisme ou l’homophobie ?
Bien sûr les vigilances se sont accrues sur ces sujets et au-delà. Lors des assises de la littérature jeunesse le 4 octobre prochain, nous avons choisi avec le SNE et la BNF d’aborder la question du poids de la cancel culture sur la création littéraire. Les auteurs sont concernés en première intention. C’est un sujet qui mérite un débat. Il est utile que la vigilance évolue mais attention à ne pas tomber dans la caricature ni d’imposer la norme…

Comment vous placez-vous par rapport aux autres maisons d'édition jeunesse ?
Albin Michel est une maison de littérature générale, la diversité est son ADN. Le plus beau compliment qu’un journaliste m’ait fait un jour sur notre politique éditoriale est que nous savions toujours le surprendre. Moi, mon trip, c’est ça. Fidèle à ma maison, mais jamais immobile.

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