Des procureurs turcs ont réclamé la prison à vie pour la romancière turque Asli Erdogan, accusée d'avoir collaboré avec un journal prokurde,
Ozgür Gündem, selon l'acte d'accusation préliminaire dévoilé jeudi par des agences de presse turques.
Les procureurs demandent une peine de prison à perpétuité contre neuf collaborateurs du quotidien, dont l’écrivaine. Ils sont accusés d'être «
membres d'une organisation terroriste armée », d' «
atteinte à l'unité de l'Etat et à l'intégrité territoriale du pays » et de
« propagande en faveur d'une organisation terroriste », selon les agences Anadolu et Dogan.
Le quotidien
Ozgür Gündem, fermé par décret le mois dernier, est accusé par les autorités turques de soutenir le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui mène une guérilla sanglante depuis 1984 et est classé organisation "terroriste" par Ankara, Washington et Bruxelles.
L'acte d'accusation préliminaire a été envoyé au tribunal, qui a 15 jours pour l'accepter ou le rejeter, ont précisé Anadolu et Dogan. La date du procès n'est pas encore connue.
"Tout est surveillé"
Contactée par
Livres Hebdo, l’agent Laure Pécher (Astier-Pécher), qui représente l’auteure ne cache pas son inquiétude. «
Nous n’avons pas de nouvelles de son avocat depuis hier. Il faut savoir que les avocats n’ont plus le droit au secret professionnel. Tout est surveillé. On ne peut savoir les choses que si l’on est sur place » explique-t-elle, ajoutant «
que les contacts par mail avec des éditeurs que nous connaissons bien sont de plus en plus difficiles. On ne leur demande plus si ils vont bien. Nous restons factuels ».
Laure Pécher et Pierre Astier organisent la coordination internationale pour faire pression sur le gouvernement turc. Le cabinet d’Audrey Azoulay, ministre de la Culture et de la Communication, a été alerté hier, jeudi 10 novembre, de la situation. Tous les éditeurs de l'écrivaine sont mobilisés. En France Asli Erdogan est publiée
chez Actes sud.
Ses éditeurs internationaux sont prêts à publier en 2017 un recueil d’articles qu'elle a rédigé pour le quotidien
Ozgür Gündem depuis dix ans.
Un appel d'urgence
Physicienne de formation et lauréate de nombreux prix, Asli Erdogan a vu ses romans traduits dans plusieurs langues. Le dernier paru traduit en français,
Le Bâtiment de pierre (Actes Sud, 2013), dénonce la torture et les conditions de détention en Turquie. Depuis son arrestation cet été, suite aux purges menées par le régime de Recep Tayyup Erdogan, la romancière et linguiste est devenue un symbole de la résistance contre un régime qui assume de plus en plus son aspect dictatorial. Début novembre, elle avait rédigé une lettre, sous forme d’appel d’urgence, demandant à l’Europe «
de prendre ses responsabilités. » (voir l’encadré ci-dessous).
L’incarcération d’Asli Erdogan a provoqué une vague d'indignation en Turquie et dans le monde, relayée par de nombreux artistes, intellectuels et écrivains. Une pétition a été lancée après son arrestation
sur le site change.org et a récolté, depuis, plus de 32000 signatures.