La quatrième édition du Salon du livre africain se tient ces 14, 15 et 16 mars au marché des Blancs-manteaux, à Paris (IVe). Parmi les exposants, Alibey Abderrahmane, gérant de la librairie du Tiers-monde à Alger, est particulièrement affecté par la dégradation de la relation franco-algérienne.
Livres Hebdo : La situation diplomatique est désastreuse entre la France et l’Algérie. Comment la subissez-vous concrètement ?
Alibey Abderrahmane : L'importation de livres est un parcours du combattant en raison de la bureaucratie et des procédures administratives complexes. Depuis environ un an, nous devons faire face à des dossiers fastidieux qui, parfois, nous découragent totalement d'importer. Il s’agit d’un processus long, coûteux et imprévisible, ce qui impacte directement la diversité et l’actualisation de notre stock.
Vous estimez que l'importation représente environ 30 à 40 % de votre activité. En quoi la diminution des arrivages affecte-t-elle la vente des livres algériens ?
Le paradoxe est que plus nous avons de livres importés, plus la production nationale se vend. Les clients viennent chercher les nouveautés étrangères, et en même temps, ils achètent des livres algériens. Or, si les nouveautés importées se raréfient, les lecteurs ne se déplacent plus autant, ce qui impacte aussi la vente des livres produits localement.
« Le salon du Livre d’Alger est devenu crucial pour nouer des contacts avec des éditeurs et des distributeurs »
Face à ces difficultés, quelles solutions les libraires comme vous tentent-ils de mettre en place ?
Actuellement, l’une des seules solutions est le Salon du Livre d’Alger. Les éditeurs étrangers y sont présents, et les libraires en profitent pour s’approvisionner directement sur place, bien que cela soit techniquement illégal. Ce salon est devenu crucial non seulement pour acheter des ouvrages, mais aussi pour nouer des contacts avec des éditeurs et des distributeurs. Malheureusement, cela ne suffit pas à résoudre le problème de manière durable.
Vous avez reçu Boualem Sansal à plusieurs reprises dans votre librairie. Que pensez-vous de sa situation et en quoi cela vous affecte-t-il en tant que libraire ?
Boualem Sansal est un ami de longue date et, à mon avis, il ne devrait pas être en prison. On peut juger une personne sur ce qu’on lui reproche, mais, en tant que libraire, je considère qu’un écrivain ne devrait jamais être emprisonné pour ses idées. Cette situation illustre une pression plus large sur le monde du livre en Algérie, qui se traduit aussi par des restrictions sur l’importation et la diffusion des œuvres. Cela renforce un climat d’incertitude pour les libraires, les éditeurs et, plus largement, pour la culture.