À nos lecteurs : à la suite d’un problème technique indépendant de notre volonté, nous avons publié le 10 octobre dernier la version non définitive de notre article intitulé « Avec l’Algérie, les relations d’affaires en chute livre ». Cette version de travail ne citait pas le site Actualitté comme étant la source à l’origine de cette information. Nous publions aujourd’hui la version définitive.
Après s’être vu refuser la participation de Gallimard au prochain Salon du livre d’Alger (SILA) prévu début novembre en Algérie, Madrigall a décidé d’annuler la venue des autres marques prévues du groupe, Casterman et Flammarion, selon une information du site Actualitté confirmée à Livres Hebdo.
Les clients des filiales de distribution du groupe, Sodis et UD, ne sont pas concernés par ce boycott du groupe qui intervient quelques jours après la notification des autorités du salon d'interdire son accès à la maison Gallimard.
A un mois du 27e SILA, qui démarre le 6 novembre à Alger, la maison dirigée par Antoine Gallimard a reçu par courrier une interdiction d’y exposer par les organisateurs algériens, « sans qu'on nous ait donné de raison », a fait part à l’AFP un porte-parole de la maison d’édition.
D’aucuns y voient l’intention des autorités algériennes de ne pas accueillir la maison d’édition du franco-algérien Kamel Daoud, dont le dernier roman Houris revient sur la guerre civile en Algérie entre 1992 et 2002 et est interdit de publication sur le territoire. C'est également Gallimard qui publie les romans et essais de Boualem Sansal, autre algérien dont les écrits sont peu goûtés par le gouvernement.
Chute de 70% des exportations de livres vers l'Algérie en dix ans
Le Syndicat national de l’édition (SNE) a réagi à cette interdiction en regrettant « vivement cette exclusion », assurant dans son communiqué que « la circulation des livres et de leurs auteurs est une préoccupation constante entre la France et l'Algérie ».
Ce refus d'accueillir Gallimard intervient un an après le refus de visa d’Annie Ernaux, autre tête d’affiche de Gallimard, pour se rendre à cette même manifestation en 2023, alors que les relations diplomatiques entre l’Algérie et la France sont des plus froides et que l’industrie éditoriale en souffre.
« L’exportation de livres vers l’Algérie a chuté de 70 % en dix ans », rappelle à Livres Hebdo Olivier Aristide, directeur général de la Centrale de l’édition. Cette chute est liée notamment à la création par le gouvernement algérien de nouveaux et nombreux comités de régulations pour donner des autorisations préalables à l’importation de livres.
« Disparition du français en Algérie »
« Avant, la censure opérait quasi-exclusivement sur les livres jeunesse et la littérature, précise-t-il, mais depuis quelques années, c’est élargi notamment au scolaire et parascolaire ». Ce qui ajoute au problème, c'est que ces comités décrétés ne sont pas forcément mis en place. Résultat, « aucun livre scolaire français n’a été livré en Algérie en 2023 », explique Olivier Aristide.
Dans une table ronde consacrée aux cessions de droits de français vers le français lors des journées du livre francophone organisées par le Bief (Bureau international des éditeurs français) à Paris le 2 octobre dernier, le « cas particulier de l'Algérie » a été évoqué. Le constat a été fait que le français et la francité en général est en grande difficulté sur le territoire. « Il y a urgence, y a martelé le patron de la maison d'édition algérienne Frantz Fanon, Amar Ingrachen, ce n'est pas une chimère la disparition du français en Algérie. Cela existe ! ».
C'est toute l'industrie culturelle qui subit la dégradation des relations diplomatiques entre l'Algérie et la France pour le moins fraîche depuis près de dix ans et qui sont devenues glaciales après l'annonce fin juillet de l'appui de Paris au plan d'autonomie marocain pour le territoire disputé du Sahara occidental. Samedi dernier, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a rejeté l'idée d'une visite en France, dont l'invitation est faite depuis mai 2023.