Politique

Coupes budgétaires dans les Pays de la Loire : l’inquiétude des acteurs du livre

Manifestant contre les coupes budgétaires dans les Pays de la Loire - Photo ESTELLE RUIZ - Hans Lucas via AFP

Coupes budgétaires dans les Pays de la Loire : l’inquiétude des acteurs du livre

Depuis l’annonce de potentielles coupes budgétaires de 100 millions d’euros fin novembre par Christelle Morançais, présidente du Conseil régional des Pays de la Loire, de nombreux acteurs de la culture se sont mobilisés à travers des manifestations, des pétitions ou en publiant une étude témoignant de leur profonde inquiétude quant à la subsistance du secteur dans les mois et les années à venir.

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Par Adèle Buijtenhuijs
Créé le 06.12.2024 à 17h43 ,
Mis à jour le 09.12.2024 à 14h36

« Pourquoi le secteur subventionné de la culture serait-il exempté des coupes qui s’imposent à tous ? » se demandait Christelle Morançais, présidente du Conseil régional des Pays de la Loire, dans une tribune publiée dans le JDD le 2 décembre dernier. L'élue s'exprimait suite à la coupe budgétaire de 100 millions d’euros qu’elle avait elle-même annoncée pour la région fin novembre afin de répondre aux demandes d’économie de la part du gouvernement.

Parmi ces réductions, la culture fait partie des secteurs les plus touchés, avec près d’un million d'euros de coupes pour la filière du livre, dont les subventions seront diminuées de moitié ou totalement stoppées en 2025 ou 2026, selon Mobilis, pôle régional de coopération des actrices et acteurs du livre et de la lecture dans les Pays de la Loire, dont le financement public représente 47 % du budget global de l'association. 

Pour alerter sur ces mesures, qui devraient être votées officiellement les 19 et 20 décembre prochains, les pôles culturels régionaux ont réalisé une enquête auprès de 736 structures ligériennes du domaine culturel. 

« Un arrêt de la politique culturelle régionale »

Selon cette enquête, 43 % des structures subventionnées estiment qu'un arrêt des financements publics en 2025 menacerait la totalité de leur activité. D’après Adèle Spieser, directrice de Mobilis, « ces 736 structures montrent une partie des conséquences mais la vue d’ensemble sera bien pire ». Interrogée par Livres Hebdo, elle poursuit : « L’arrêt des subventions peut signifier la fin de certains festivals, la fragilisation de maisons d’édition… Ici on ne parle pas d’une baisse de 5 % - ce qui serait déjà problématique - mais d’un arrêt de la politique culturelle régionale »

Car même si les événements et acteurs culturels perdurent et continuent d’exister, ceux-ci craignent les impacts sur la qualité de leurs propositions. Une inquiétude confirmée par l’étude selon laquelle « 40 % des répondant·es indiquent des répercussions sur les activités de création, de production, de diffusion des œuvres et les actions d’éducation artistique et culturelle (EAC) ». « Pour les librairies, par exemple, la région compte supprimer la subvention à l’animation », ajoute Delphine Ripoche, directrice adjointe de la Librairie Durance

Des répercussions sur l'ensemble de l'écosystème

La baisse ou l’arrêt des subventions pourraient également engendrer différents phénomènes comme la fragilisation de l’accès à la culture, un risque de désertification culturelle des zones rurales, mais aussi l’uniformisation des propositions artistiques, l’affaiblissement de la diversité culturelle et l’augmentation des tarifs des offres culturelles. 

Pour Benjamin Reverdy, fondateur des éditions Bouclard et membre de Coll.LIBRIS, Collectif des éditeurs indépendants en Pays de la Loire, « c’est l’ensemble de l’écosystème qui est endommagé et pas seulement la culture. On ne peut pas dire sciemment que le secteur culturel est déconnecté de l’économie générale, tout est interconnecté ». Un sentiment partagé par l’ensemble des acteurs interrogés par Livres Hebdo, qui insistent sur l’importance de la culture dans le dynamisme et l’attractivité de la région. « Beaucoup d’individus viennent visiter le coin ou même s’y installer pour les événements culturels qui s’y déroulent », rappelle Delphine Ripoche.

« Toutes les professions annexes à la culture vont pâtir de ces coupes budgétaires, que ce soient les imprimeurs, les graphistes mais également les restaurateurs ou les hôteliers, dont les événements culturels font vivre le commerce », explique Adèle Spieser. Les Utopiales en sont un exemple frappant qui a représenté cette année « 500 000 euros de répercussion pour les prestataires locaux », selon Axelle Roze, directrice du festival et co-directrice du festival Les Atlantides.

Une annonce « brutale »

Mais en plus de la disparition potentielle de certaines structures ou de la fragilisation d’autres, les responsables de festival, éditeurs ou libraires se disent choqués par la façon « extrêmement brutale » dont la nouvelle leur a été annoncée, certains ayant été informés par SMS ou des appels courriers « laconiques ». Tous condamnent « l’absence totale de dialogue et de discussions ».

Pour Benjamin Reverdy, « le plus violent, c’est que ça ait été annoncé par la présidente de la région via un tweet. Toutes ces années de dialogue, de partenariats ont été détruites par un tweet ». Des collaborations d’ailleurs de longue date pour la plupart, selon l'étude qui indique que sur les 736 répondants, « 80 % des financements de la région Pays de la Loire sont des partenariats noués depuis trois ans et plus, dont 42 % depuis plus de 10 ans ».

Un écho national

Très inquiets quant à la pérennité du secteur, les acteurs de la culture continuent néanmoins d’être le plus actif possible pour informer leur public sur le climat économique actuel et conserver leurs manifestations et leurs structures. Benjamin Reverdy se félicite de « l’écho national de cet événement » et du « soutien massif » que tous ont pu recevoir et demande à ce que la Région « rouvre le dialogue » avant le vote de ces mesures. Contactée par Livres Hebdo, cette dernière n’a pas donné de réponse. 

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