"Nous sommes tous d’accord sur l’objectif : améliorer significativement la rémunération des créateurs pour leur acte de création d’une œuvre de l’esprit autant que pour son exploitation en contrepartie de la cession des droits, écrit en préambule le CPE. [Mais] introduire des dispositions législatives nouvelles pour ce type de contrat […] présente un certain nombre de risques [et pourrait] déstabiliser, voire fragiliser l’édifice du droit d’auteur et la protection qu’il offre actuellement aux créateurs".
Le CPE, qui regroupe une dizaine d’entités, associations, syndicats et organismes de gestion collective, craint que le dispositif, défendu par d’autres organisations comme la Ligue des auteurs professionnels, ne soit contre-productif. Il affirme qu’il ne permettra pas de garantir une meilleure rémunération de l’auteur en raison de la capacité du diffuseur à adapter à la baisse le montant de l’à-valoir ou le taux de droits d’auteurs perçus sur chaque ouvrage. Il propose à la place l’institution d’une "prime d’écriture", c’est-à-dire un minimum de rémunération garanti et non amortissable sur les ventes, contrairement à l’à-valoir, qui doit être remboursé.
Liberté de création et droit moral
Le Conseil se soucie également de l’impact du contrat de commande sur la liberté du créateur. Le dispositif conditionne, selon l’organisation, la rémunération à un temps de travail. Or, l’acte de création est "par nature insaisissable et non quantifiable", défend le CPE, qui juge que "vouloir quantifier ce temps est préjudiciable à la liberté de création et à la qualité des œuvres".
Surtout, la dépendance de l’auteur au diffuseur commanditaire pourrait introduire un lien de subordination et ainsi fragiliser le droit moral de l’auteur, avertit le CPE. L’éditeur qui passe commande pourrait "imposer des conditions quant à la nature, la forme ou le contenu de l’œuvre, voire refuser de la diffuser ou exiger qu'il y soit apporté telle ou telle modification, s'il considère qu'elle ne répond pas au cahier des charges préalablement fixé", relève l’organisation. Dans certains cas, le CPE redoute que les diffuseurs puissent revendiquer entièrement la propriété du droit moral des œuvres commandées.
Protéger l'auteur
"Les arguments développés par le Conseil permanent des écrivains contre le contrat de commande sont juridiquement infondés", estime la présidente de la Ligue des auteurs professionnels, Samantha Bailly, qui souhaite un encadrement du contrat de commande pour rémunérer l’acte de création.
"Il est faux de dire que le contrat de commande est incompatible avec la liberté du créateur", continue la responsable, qui rappelle que "selon le premier article du Code de la propriété intellectuelle, la titularité initiale de l’auteur n’a pas lieu d’être discutée au prétexte que l'œuvre lui est commandée".
La Ligue estime que le contrat de commande permettrait de "prévoir un cadre juridique répondant aux besoins de protection" de l’auteur. Samantha Bailly souligne que dans d’autres secteurs culturels que le livre, les créateurs "cumulent une rémunération en amont (pendant l’acte de création) puis en aval (pendant l’exploitation) [comme] les journalistes, les photographes, etc".
"Aujourd’hui, la confusion entre le travail de création et la cession des droits patrimoniaux a donné naissance à un contrat hybride qui a permis à l’industrie du livre d’invisibiliser l’acte de création, estime la responsable. […] Si le partage de la valeur est un combat très important, ce dernier ne peut se faire au détriment de la reconnaissance du travail de création et de la protection sociale des individus qui exercent de véritables métiers au sein d’industries culturelles."