Face à un loyer devenu trop lourd à supporter, la librairie de l’Horloge à Carpentras, dans le Vaucluse, changera d’adresse en janvier 2026. Elle investira les anciens locaux de la Maison de la presse, inoccupés depuis leur liquidation judiciaire à l’automne 2023.
Installée depuis 2017 rue de l’Évêché, à la suite d’un premier déménagement, la librairie de l’Horloge sera désormais rue de la République. Un emplacement « mieux situé » que le précédent, selon Didier Bonnet, gérant de l’enseigne depuis 2011. « Notre premier déménagement nous a permis d’augmenter notre chiffre d’affaires de 40%. En 2018-2019, nous réalisions pour la première fois un chiffre d’affaires d’un million d’euros », se souvient le libraire.
« L’année dernière, je me suis versé 1200 euros par mois »
Un idéal économique qui n’aura pas duré longtemps. Fragilisée par la conjoncture économique morose et l’alourdissement des charges, la librairie a vu son activité fléchir et ses bénéfices diminués, se rapprochant dangereusement du seuil de rentabilité.
« C’est simple : je paie un loyer mensuel de 4 800 euros. Pour atteindre le seuil de rentabilité, il me fallait alors générer un chiffre d’affaires supérieur à un million d’euros. Or, au premier trimestre de cette année, le volume des ventes s’est grippé, affectant directement notre trésorerie », explique Didier Bonnet.
« L’année dernière, je me suis versé 1 200 euros par mois. J’ai vite fait les comptes : sur un livre de poche vendu dix euros, ma marge commerciale s’élève à 3,5 euros. Une fois le loyer, les charges et les salaires de mes employées réglés, il ne me reste plus que 10 à 15 centimes », poursuit-il.
Une grande librairie, mais un équilibre fragile
Face à l’urgence de la situation, l’équilibre de la librairie – qui compte 4,5 équivalents temps pleins – lançait, en juin dernier sur son compte Instagram, un appel à destination de ses clients, les invitant à venir nombreux pour soutenir l’établissement. Évoquant une perte de 11% du chiffre d’affaires sur les ventes depuis le 1ᵉʳ février, « soit 25 000 euros, ce qui correspond à un emploi à mi-temps en moins… », l’équipe avait ainsi alerté : « une telle baisse nous met dans une fragilité financière dangereuse à très court terme ».
Sensible à cet appel à l’aide, la clientèle s’est mobilisée, offrant à la librairie un sursaut temporaire sur le plan financier. « Cela a également eu un impact psychologique très positif : les gens ont réaffirmé leur attachement à la librairie », confie Didier Bonnet. Si ce rehaussement de la fréquentation est le bienvenu, il ne détourne pas pour autant le libraire de son projet de déménagement, jugé bien plus avantageux.
Un déménagement stratégique
Alors que le bail du local actuel touche à sa fin, Didier Bonnet a été contacté par les propriétaires de l’ancienne Maison de la presse. « Ils m’ont proposé un loyer de 2 800 euros, insistant sur leur souhait de voir un beau commerce culturel s’installer à l’entrée de la ville », explique-t-il. Une opportunité que le libraire ne pouvait pas laisser passer. Depuis janvier dernier, celui-ci s’acquitte donc, chaque mois, d’un loyer minoré afin de s’assurer l’exclusivité du futur emplacement.
« Je l’ai intégré à mon financement, avec l’appui de l’Adelc et du CNL. À terme, ce changement d’adresse va nous permettre d’économiser près de 30 000 euros. Je vais même pouvoir me payer 2000 euros par mois, à chiffre d’affaires équivalent. C’est une véritable respiration financière », argue-t-il.
Si des travaux de rafraîchissement, estimés à 100 000 euros, sont néanmoins à prévoir, le libraire se réjouit de pouvoir bientôt bénéficier d’un espace plain-pieds de 350 m². Une surface idéale pour réunir sous le même toit l’offre adulte de la librairie de l’Horloge, mais aussi celle sa cadette, consacrée à la jeunesse, La Petite Horloge, ouverte en 2020.
« Pour s’en sortir, il nous faut trouver de nouveaux relais de croissance »
Bien plus qu’un simple changement d’adresse, ce déménagement reflète aussi une réflexion plus profonde pour Didier Bonnet. De nature plutôt optimiste, celui-ci reste convaincu « que le livre a un bel avenir ». Néanmoins, il constate avec lucidité que certaines tendances – la baisse de la lecture chez les jeunes, l’omniprésence des écrans ou encore les situations économiques nationales et internationales – s’étirent en longueur.
« Pour s’en sortir, il nous faut aussi, en tant que libraire, trouver de nouveaux relais de croissance, argumente-t-il. C’est un changement de paradigme certes inconfortable, mais qui devient nécessaire ». C’est dans cette optique que le libraire a commencé à bousculer certaines habitudes, demandant, par exemple, à son équipe de repenser les officines, les réassorts, mais aussi de limiter le stock de titres acceptés lors des rendez-vous avec les représentants.
Une dynamique que le professionnel entend prolonger dans sa nouvelle boutique, en y développant de nouvelles propositions, telles qu’un corner dédié à la papeterie utilitaire, un rayon de livres d’occasion ou encore un assortiment de produits dérivés, en lien avec la librairie ou en collaboration avec les institutions artistiques locales et régionales.