Entretien

Camille Froidevaux-Metterie : « Le féminisme est révolutionnaire au sens politique du terme »

Camille Froidevaux-Metterie - Photo © Bénédicte Roscot

Camille Froidevaux-Metterie : « Le féminisme est révolutionnaire au sens politique du terme »

Dans Théories féministes, ouvrage collectif qu'elle a dirigé aux éditions du Seuil et qui paraît ce 26 septembre, Camille Froidevaux-Metterie a réuni une centaine de signatures pour rendre compte de la puissance et de l'ampleur de la pensée féministe. Rencontre.

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Par Marie Fouquet
Créé le 25.09.2025 à 22h35

Livres Hebdo : Comment est née l’idée de cet ouvrage collectif ?

Camille Froidevaux-Metterie : À l'origine, en 2017, 2018, j'avais un projet de petit ouvrage sur les théories féministes, mais il n'avait pas abouti. J'avais donc un petit sommaire sous le coude. Puis le temps est passé, il y a eu MeToo et l'explosion du champ éditorial féministe. J'attendais qu'un livre paraisse sur la pensée féministe, mais ça n'arrivait pas. J'ai donc repris mon sommaire et l'ai proposé au Seuil. C’était il y a deux ans, on avait alors une cinquantaine d'entrées et j'ai cherché 50 auteurices. Or les discussions qu'on a eues ensemble nous ont conduits à augmenter le nombre d'entrées à 130 et de contributrices à 100. L'équipe du Seuil a été extraordinaire, ils m'ont laissée libre, m'ont fait confiance et ont accepté l'ampleur qu'a finalement pris ce projet. C'était aussi devenu un enjeu académique pour moi. Dans le monde universitaire français, il n'y a pas de place pour ces recherches, contrairement à ce que les affolés du wokisme clament sur tous les toits.

Lire aussi : Collectif dirigé par Camille Froidevaux-Metterie, Théories féministes (Seuil)

Que signifient les cercles de la première de couverture ?

Le cercle, c'est le symbole féministe par excellence. Il fait écho aux cercles de conscientisation, tels qu'on les appelait dans les années 1970. Ils désignent la pratique de mise en commun et en partage des récits de soi, plus ou moins traumatiques, qui faisaient naître une prise de conscience des situations d'oppression vécues par les femmes. Or cette prise de conscience a généré la volonté d'un engagement politique. Penser en féministe, c'est aussi penser en cercle, c'est-à-dire pas seule. Je n'aime pas l'image des vagues féministes car elles ne rendent pas compte de la dimension cumulative de la pensée féministe. Les revendications, les thèmes et les concepts forgés dans le passé continuent d'être mobilisés aujourd'hui et produisent une pensée de plus en plus large qui concerne d'autres groupes de personnes que j'appelle « féminisées ». Ce sont des personnes qu'on réduit à leur corps : les enfants, les personnes racisées, les personnes en situation de handicap ou les personnes qui transgressent la règle hétéronormée.

Dans l'introduction, vous expliquez que le féminisme « vise la réinvention de notre monde par le renversement des logiques de domination et d'exploitation qui le structurent ». C'est un projet politique ?

Je voulais rendre compte de la puissance intellectuelle du féminisme et donner accès à sa profondeur, à son intensité. Le féminisme est révolutionnaire au sens politique du terme, au même titre que le marxisme par exemple. Et les résistances actuelles au féminisme le montrent bien car en résistant à ce qui constitue une menace pour l'ordre établi. On a déjà pu observer que chaque grande période de pensées et de luttes féministes est suivie d'un moment de silenciation qui correspond à un moment de succès politiques électoraux des mouvements conservateurs d'extrême droite, voire fascistes. La pensée féministe existe et elle est légitime. Il faut le dire le plus fort possible, dans un contexte où tout est fait pour que nous retournions au silence.

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