Livres Hebdo : Qu’est-ce qui a motivé la création de ce nouveau dispositif « 50 livres pour le plaisir » ?
Régine Hatchondo : Cette opération s’inscrit dans la politique menée par le CNL depuis plus de quatre ans pour soutenir la lecture. Dans ce cadre, nous avons déjà organisé quelque 4 000 rencontres d’auteurs dans les collèges et lycées grâce au partenariat avec le pass Culture, mais aussi plus de 1 000 résidences d’auteurs en milieu scolaire. Il faut dire que près d’un élève sur deux pense encore que les auteurs sont morts… Nous avons aussi doublé la fréquentation et le nombre d’événements comme « Partir en livre » et les Nuits de la lecture. Avec le ministère de l’Éducation nationale, nous avons créé le Quart d’heure de lecture national, puis nous avons fondé le Goncourt des détenus. Depuis deux ans, des auteurs lisent également à voix haute pour des enfants et adolescents atteints de longues maladies. Enfin, nous soutenons près de 100 associations chaque année via notre commission dédiée à la lecture.
50 ouvrages jeunesse dans 260 centres de loisirs
L’opération « 50 livres pour le plaisir » s’inscrit donc dans la continuité de votre action en faveur du livre et de la lecture. En quoi consiste-t-elle concrètement ?
Nous avons réalisé que nous étions assez peu présents sur les temps périscolaires et extrascolaires. Nous avons bien organisé quelques résidences d’auteurs en colonies de vacances, mais notre présence n’était pas aussi forte que nous l’aurions voulu. C’est donc dans ce cadre qu’est née l’idée d’intervenir dans les centres de loisirs, en offrant à plus de 260 centres, en priorité ceux situés en zones rurales, 50 ouvrages jeunesse pour les 6–12 ans. Cette sélection a été établie par Raphaële Botte et Sophie Van der Linden, qui ont veillé à proposer une offre diversifiée, mêlant classiques intemporels, avec des auteurs comme Claude Ponti, Timothée de Fombelle, et littérature contemporaine. Les deux autrices formeront également les animateurs des centres en visioconférence et un kit pédagogique sera fourni. Lors d’une étude présentée à la Foire de Brive et menée auprès de lycéens pour analyser leurs pratiques de lecture, beaucoup ont expliqué avoir décroché à force d’associer la lecture au temps scolaire. Dans un contexte où la lecture recule chez les jeunes, et que même le noyau dur des grands lecteurs décline, notre objectif est donc d’encourager le plaisir de lire, sans évaluation ou enjeu scolaire.
Jusqu'à fin décembre 2025, le Cnl offrira 50 ouvrages jeunesse à plus de 250 centres de loisirs, majoritairement situés en zone rurale.- Photo ECPour télécharger ce document, vous devez d'abord acheter l'article correspondant.
Étant donné le fort turn-over des animateurs dans les centres de loisirs, prévoyez-vous de renouveler la formation pour les nouveaux arrivants ?
Par chance, les animateurs restent souvent une année complète. La liste des ouvrages offerts restera la même pendant un certain temps, et la formation sera renouvelée pour les nouveaux arrivants. Les autrices ont également conçu un kit pédagogique, pensé pour des non-spécialistes du livre. Il comprend des indications claires, avec des pictogrammes pour montrer quel livre convient à quel enfant, ainsi que des idées d’activités et des conseils pour encourager les enfants à lire.
« Notre priorité est d’inscrire cette initiative dans la durée »
Envisagez-vous d’étendre cette opération à l’ensemble du territoire ?
Dès le lancement du dispositif, soutenu par l'Association des maires ruraux de France (Francas), la Ligue d’enseignement populaire et l'association Lire et Faire Lire, l’enthousiasme des centres de loisirs a été quasi immédiat. Beaucoup ont été surpris qu’on leur offre des livres, car ce sont souvent des structures aux moyens limités. Bien sûr, aujourd’hui, notre capacité à fournir des ouvrages reste limitée au nombre d’établissements que nous visons, mais nous réfléchissons à envoyer le livret à ceux qui en feraient la demande. Comme je le disais plus tôt, l’opération est pour l’instant réservée aux structures situées en milieu rural. Pour la suite, nous verrons, mais notre priorité est d’inscrire cette initiative dans la durée.
Avez-vous travaillé en partenariat avec les éditeurs ?
Nous nous sommes posé la question, mais dans un contexte de recul du marché du livre jeunesse, nous avons préféré mobiliser un budget dédié de 250 000 euros et ouvrir un marché public. L’idée est que les librairies indépendantes puissent faire partie du projet : le CNL leur achète les ouvrages, et ce sont elles qui les livrent ensuite aux centres de loisirs.
Comment comptez-vous évaluer l’impact de l’opération ?
Nous allons envoyer un questionnaire à l’ensemble des animateurs et des directeurs de centres, et, si les parents l’autorisent, à quelques enfants. L’objectif est de savoir si le dispositif a bien fonctionné, s’il faut l’ajuster, s’il y a trop ou pas assez de livres. Si les animateurs s’approprient vraiment le projet, ils pourront même imaginer des jeux, des clubs de lecture, ou d’autres initiatives autour des livres. Pour évaluer cela, mais aussi le reste de nos actions, nous avons fait appel à une société de conseil spécialisée dans la mesure d’impact. Leurs conclusions, si elles sont positives, nous permettront, dans l’idéal, de pérenniser et peut-être même d’augmenter le budget dédié à cette opération.

