Vous avez envoyé le 17 décembre un communiqué intitulé "Pour une vraie offre de lectures illimitées, allez en librairie !" Une contre-offensive au lancement du Kindle Unlimited ?
Vincent Monadé : La librairie indépendante, quand on la pense comme un réseau, est le plus puissant fournisseur de livres de France. Je rappelle juste une évidence : si vous voulez du choix, du conseil, de la qualité de service, par exemple du paquet cadeau gratuit, allez chez votre libraire.
Au-delà, que pensez-vous de ce nouveau service d'abonnement de livres numériques d’Amazon ?
En France, 20 000 titres seulement sont proposés, sur 700 000 aux Etats-Unis, et 80% des auteurs de ces livres sont auto-édités. Il n'y a aucune offre des grands éditeurs. Un service proposé à un prix défiant toute concurrence, mais sans livres dedans, ça reste cher… Et puis je ne pense pas que l’abonnement illimité soit compatible avec la pratique du lecteur. Même s’il y a d’excellents auteurs chez les auto-édités, les gens ne les connaissent pas. Or les chiffres de ventes sont clairs : le public veut d’abord lire en numérique ce qu’il connaît, c’est-à-dire les best-sellers.
Quelles peuvent être les conséquences de ce système sur le secteur du livre selon vous ?
L’abonnement illimité signifierait la fin de la chaîne du livre que le CNL défend. J’y suis résolument hostile. Ça ne veut pas dire que les éditeurs ne peuvent pas faire d’offres en bouquet ou par abonnement. L’essentiel, c’est que ce soit eux qui fixent les prix dans un accord avec les ayants droit et les auteurs, ce qui est prévu par la loi de 2012 sur le prix unique du livre numérique. Ce n’est pas à un acteur prédateur de la chaîne de prendre ces décisions.
En France, les bibliothèques sont-elles armées pour résister au Kindle Unlimited ?
Elles le seront dès qu’elles déploieront le Prêt numérique en bibliothèque (PNB) et qu’on aura réglé la question de la rémunération des auteurs et donc le modèle économique. Elles auront alors une offre infiniment plus riche et plus intéressante que celle d’Amazon. Je suis plutôt optimiste.
Et les libraires ?
Les libraires se retrouveront en bonne situation quand une solution nationale de ventes de livres numériques en librairie sera mise en place. L’exemple de la tablette Tolino en Allemagne prouve que les libraires peuvent au moins faire jeu égal avec Amazon. En France, nous sommes encore dans une phase de négociation et de recherche de solutions, mais il faut se dépêcher, car dans deux ans ce sera fini : Amazon aura pris le marché. Il faut agir vite, mais en faisant des propositions, en étant meilleur qu’eux, pas en voulant interdire.