Francfort 2017

Turquie: les auteurs face au régime de Recep Tayyip Erdogan

Asli Erdogan

Turquie: les auteurs face au régime de Recep Tayyip Erdogan

Une table ronde organisée dans le cadre de la Foire du livre de Francfort a réuni trois auteurs turcs, dont la romancière Asli Erdogan, pour un débat sur les atteintes à la liberté d'expression en Turquie. 

Par Vincy Thomas,
avec afp Créé le 13.10.2017 à 19h00

Journalistes et écrivains turcs victimes de la répression organisée par le pouvoir de Recep Tayyip Erdogan depuis la tentative de coup d'Etat en juillet 2016 ont profité de la Foire du livre de Francfort pour plaider contre un isolement de la Turquie malgré la politique qui y est suivie. Cette table ronde fait partie d'une série d'événements organisés cette année à la foire sur le thème des atteintes à la liberté de la presse en Turquie.

Emprisonné l'an passé, l'ancien rédacteur en chef du journal d'opposition Cumhuriyet, Can Dundar, se souvient d'un camarade de cellule demandant à un gardien de lui apporter un livre de la bibliothèque de la prison. "Nous n'avons pas le livre", lui a répondu ce dernier, "mais nous en avons l'auteur".

L'anecdote, racontée par le journaliste au cours d'une table ronde, illustre avec un certain humour noir les atteintes à la liberté d'expression depuis le coup d'Etat manqué du 15 juillet 2016.

Parmi les quelque 50 000 personnes arrêtées depuis figurent environ 180 journalistes. Le président turc reste la cible de vives critiques de la part de l'Occident.

Erdogan fragilisé ?

Can Dundar, assis aux côtés de la célèbre romancière Asli Erdogan, elle-même emprisonnée l'an passé pour "propagande terroriste", a toutefois exhorté les gouvernements à ne pas tourner le dos à la Turquie, même si le fossé qui les sépare de son dirigeant ne cesse de s'élargir. "Isoler la Turquie signifie soutenir Erdogan, pas nous", affirme-t-il.

Des millions de Turcs ont voté contre un renforcement des pouvoirs présidentiels au référendum controversé d'avril, met-il en avant, même si le chef de l'Etat turc a obtenu la majorité des voix. En rompant avec Ankara, l'Europe abandonnerait cette frange très importante de la population. Et de récents sondages d'opinion montrent une baisse de la popularité du président Erdogan, au pouvoir depuis 2002. "Au moins la moitié du pays résiste désormais, souffre et se bat en même temps", assure Can Dunbar.

L'écriture comme arme de résistance

Le romancier Burthan Sonmez est récemment retourné vivre à Istanbul après avoir passé une décennie en Grande-Bretagne. Il exprime un avis différent et vit dans la peur en Turquie. "Vous ne savez pas ce qui peut se passer d'un jour à l'autre. Vous pouvez vous retrouver au travail ou en prison", dit-il. Mais c'est justement ce qui l'encourage : "Vous devez parler, vous devez écrire. Parce que vous pourriez être le prochain".

Asli Erdogan juge toutefois qu'il est "trop facile d'accuser (le président) Erdogan pour tout", mettant aussi en exergue les divisions de l'opposition. "La question arménienne, la question kurde, ce sont des lignes de fracture qui divisent l'opposition. Nous ne pouvons pas faire vraiment obstacle à Erdogan et à sa tyrannie à cause de ces fractures", juge la romancière.

Les participants à la table ronde ont enfin plaidé pour davantage de solidarité envers les écrivains emprisonnés. "Il faut leur dire que nous ne les avons pas oubliés", a souligné l'écrivaine, qui devra retourner devant le tribunal le 31 octobre. Elle risque la prison à vie.
 

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