Librairie

Travaux de voierie sans fin, insécurité... à Lyon, la librairie Mise en page ferme ses portes

Après 28 ans d'existence, la librairie lyonnaise Mise en Page baisse le rideau. - Photo Librairie Mise en Page

Travaux de voierie sans fin, insécurité... à Lyon, la librairie Mise en page ferme ses portes

Confrontée à des travaux de voierie interminables, à plusieurs agressions et vols, ainsi qu’à une chute de son chiffre d’affaires et de la fréquentation, la librairie indépendante Mise en page, installée à Lyon depuis 1997, a choisi de fermer définitivement ses portes.

J’achète l’article 1.5 €

Par Élodie Carreira
Créé le 24.09.2025 à 16h08

Installée depuis près de 30 ans dans le quartier Monplaisir à Lyon, la librairie Mise en page fermera définitivement ses portes le 30 septembre. Une décision prise par sa gérante Christiane Guret, 65 ans, épuisée par des années de lutte pour maintenir son commerce à flot.

Depuis quatre ans, la libraire constate le déclin de son chiffre d’affaires et de la fréquentation de sa clientèle, conséquence de travaux interminables qui bouleversent le quartier. À ces premières difficultés se sont ajoutés les différentes agressions et vols répétés dont la libraire a été victime et qui l’ont poussée à mettre un terme à une aventure culturelle longue de près de trois décennies.

« J’ai perdu presque 150 000 euros de chiffre d’affaires en quatre ans »

« Je suis passée d’une fréquentation de 20 à 70 clients par jour à 5 à 20 clients aujourd’hui. J’ai perdu presque 150 000 euros de chiffre d’affaires en quatre ans », nous apprend la libraire, qui dénonce des travaux sans fin, rendant l’accès à la librairie et aux commerces alentour particulièrement difficile, voire impossible.

« Les travaux ont commencé en mars-avril 2021 et sont toujours en cours », précise la libraire. Selon elle, une première phase de travaux de canalisation du gaz, menée de novembre 2021 à mars 2022, a rendu « impraticable » l’accès à l’avenue des Frères Lumière. Tant et si bien que la librairie a accusé une baisse de 50 000 euros de son chiffre d’affaires sur cette seule période. Partiellement rouverte un mois plus tard, la rue est néanmoins restée obstruée du fait de malfaçons qui ont conduit la municipalité à y interdire la circulation de véhicules.

De 2022 à 2024, de nouveaux travaux, cette fois d’adduction d’eau, ont été réalisés à différents endroits de l’avenue, de façon alternée. Là aussi, l’intervention a entraîné une interdiction partielle de la circulation, mais aussi une suppression des places de parking. Elle a également grandement endommagé les trottoirs, rendant encore une fois l’accès difficile pour les piétons ordinaires et impossible pour les publics empêchés.

Des travaux interminables

De nouveau fermée à la circulation entre novembre 2024 et février 2025, l’avenue n’a connu, en quatre ans, qu’une seule trêve : du 23 décembre 2024 au 3 janvier 2025, pour « faciliter les fêtes de fin d’année ». Une bien courte pause qui n’aura pas suffi à la librairie pour retrouver sa clientèle d’autrefois. « Encore aujourd’hui, pour me livrer, les camions doivent rouler sur 100 mètres en marche arrière et slalomer entre les trous de la chaussée », déplore Christiane Guret, ajoutant que les travaux ont de nouveau « pris environ trois mois de retard. « Et c'est comme ça dans tout Lyon. La ville n'est qu'un chantier », regrette la gérante.

Les commerçants du quartier mobilisés

Malgré les alertes répétées de l’UCAM (Union des commerçants et artisans de Monplaisir), dont Christiane Guret fait partie, la municipalité n’a pas apporté de réponses jugées satisfaisantes. « La mairie ne prend pas en compte les pertes de chiffre d’affaires subies par l’ensemble des commerçants, qui vont pourtant de 30 à 60 % selon les commerces. On nous répond simplement que nous nous rattraperons plus tard », déplore la libraire, indiquant qu’un nouveau collectif s’est récemment constitué et a décidé de porter l’affaire devant la justice.

Les instances publiques du livre non plus, n’ont pas su compenser le manque à gagner de la librairie. « Elles ne peuvent rien faire si ce n’est octroyer un prêt qu’il faudra rembourser. Pour moi, c’était déjà trop tard », regrette la patronne de Mise en page. Au-delà des difficultés liées au chantier, la libraire dénonce également une recrudescence de violences dans le quartier, dont elle a elle-même fait l'expérience. Pour elle, le 27 décembre 2024 restera ainsi une date marquée au fer rouge : « Un individu a tenté de me voler mon ordinateur portable. Il avait déjà essayé la veille, mais j’avais eu le temps de rentrer dans ma copropriété, située à 200 mètres de la librairie », raconte-t-elle.

Une multiplication des agressions et des vols

Or, cette fois-là, l’agression lui a valu une côte cassée, de nombreux hématomes et six jours d’ITT (Incapacité totale de travail). « Évidemment, je suis allée déposer plainte auprès de la police, mais il n’y a aucune caméra dans le quartier. Pourtant, il y a une forte augmentation des vols à la tire et des agressions, dans les allées comme à la sortie des métros », alerte-t-elle.

Car la libraire n’en est pas à sa première mésaventure. Victime de plusieurs vols et tentatives d’effraction, elle se souvient particulièrement du cambriolage survenu début janvier 2024 : 100 euros avaient alors été dérobés dans la caisse, son ordinateur portable avait été emporté et la porte de son commerce, fortement endommagée.

Lasse de toutes ces problématiques qui s’accumulent, Christiane Guret a donc pris la décision de fermer sa librairie, après 28 années dédiées à l’animation de la vie culturelle de la ville. « J’ai la chance d’avoir 65 ans dans un mois, donc je vais demander ma retraite, indique-t-elle. D’autres n’ont pas cette échappatoire ».

Les dernières
actualités