Le mieux doué des rois. Personnage trop peu connu de l'histoire antique, Juba II (vers 52 av. J.-C. - 23 apr. J.-C.) mérite pourtant tout notre intérêt. Il était le fils de Juba Ier, roi de Numidie, nom donné par les Romains à une partie de l'Algérie. Durant la guerre civile entre César et Pompée, Juba Ier avait choisi le mauvais camp, et après la victoire du premier à Thapsus (46 av. J.-C.), il se donna la mort. Selon une pratique solidement établie chez les Romains, son fils fut emmené en otage à Rome, où il fut traité avec tous les égards dus à son rang : il logeait dans le palais de César, puis chez Octavie, la sœur d'Octave, futur Auguste, le premier empereur romain, qui prit soin de lui. Le jeune Juba reçut la meilleure éducation, notamment en grec, langue qu'il maîtrisait à la perfection. Il fut plus tard l'auteur de nombreux traités : Libyca, Arabica, Similitudes, Sur l'Assyrie etc. Il devint citoyen romain, et l'Empereur le nomma, en 25 av. J.-C., roi de -Maurétanie et de Gétulie, c'est-à-dire un territoire bien plus vaste que celui de son père, correspondant au Maroc et à une partie de l'Algérie actuelle. Il établit sa capitale à Césarée, l'actuelle Cherchell, que ce roi bâtisseur dota de tous les édifices d'une grande cité romaine.
Il régna durant quarante-huit ans, en fidèle allié de Rome, ce qui ne l'a pas empêché de développer une réelle influence diplomatique tout autour de la Méditerranée, notamment en direction de l'Hispanie et de la Grèce − la terre d'élection de ce philhellène érudit, dont l'historien grec Plutarque a écrit qu'il était « le mieux doué des rois ». Le rêve de Juba II, qui se prétendait descendant d'Héraclès, était de devenir un nouvel Alexandre le Grand, moins guerrier mais plus architecte, et de reconstituer une nouvelle Alexandrie. Un projet plus qu'encouragé par l'épouse qu'Auguste lui avait donnée : Cléopâtre Séléné II, la fille de la grande Cléopâtre, dernière reine d'Égypte, et de son amant Marc Antoine. Née en 40 av. J.-C., morte en 5 apr. J.-C., Séléné fut une femme de combats et le grand amour de Juba, avec qui elle eut plusieurs enfants, dont Ptolémée, qui succéda à son père. On n'a pas retrouvé leur tombeau. Mais la romancière Françoise Chandernagor en a dressé un somptueux à Séléné, la tétralogie romanesque La reine oubliée (Albin Michel, 2011-2022). Juba II y joue un rôle important. Il méritait bien l'approche historique, universitaire et contextualisée de Stéphanie Guédon, spécialiste du Maghreb antique, en attendant, peut-être, une biographie plus exhaustive.
Juba II. L'Afrique au défi de Rome
Les Belles lettres
Tirage: NC
Prix: 23 € ; 256 p.
ISBN: 9782251456690