Elle fût l’une des figures emblématiques de l’espionnage au Royaume-Uni. Stella Rimington, première femme à avoir dirigé le service de renseignement intérieur britannique, le Ml5, s’est éteint dimanche 5 août à l’âge de 90 ans.

Souvent citée comme l’inspiration du personnage de « M », la directrice du MI6 dans les films de James Bond, elle a également signé une dizaine de romans d’espionnage — une carrière littéraire menée sous le regard attentif des autorités.

Diriger le M15 en l'ouvrant au grand public

Première femme à occuper le poste de directrice générale du MI5, Stella Rimington fut aussi la première personne dont l’identité fut rendue publique par le service de renseignement intérieur britannique, qu’elle dirigea de 1992 à 1996. « Elle a brisé des barrières anciennes et a incarné l'importance de la diversité dans le leadership », a salué l'actuel chef du MI5, Ken McCallum, dans un communiqué.

Il souligne son rôle dans l’ouverture progressive de l’institution au grand public, rappelant qu’elle avait permis « une nouvelle ère d'ouverture et de transparence sur le travail réalisé par le MI5 pour assurer la sécurité du pays, un héritage qui perdure encore aujourd'hui », en référence à sa vaste campagne de relations publiques visant à divulguer au grand public les actions et missions phares du Ml5. Les archives du service ont également été transférés aux Archives nationales.

Gravir les échelons

Née le 13 mai 1935 à South Norwood, dans le sud de Londres, Stella Rimington fit des études d'anglais à l'université d’Édimbourg à partir de 1954. Quatre ans plus tard, elle rejoignit le bureau des archives du comté de Worcestershire en tant qu’archiviste. Mariée en 1963 à un bureaucrate du « Civil Service » - corps administratif chargé d’assister le gouvernement britannique – elle obtint un emploi de bibliothécaire à l’India Office Library.

Deux ans plus tard, elle suivit son mari, nommé au Haut-Commissariat britannique à New Delhi, et s’installa en Inde, où elle obtint à son tour un poste de dactylographe pour différents secrétaires, découvrant par là même que l'un d'entre eux est représentant en Inde du Ml5. À son retour à Londres en 1969, Stella Rimington décrocha un poste permanent et à plein temps au Ml5, puis vogua d’une branche à l’autre – contre-espionnage, contre-terrorisme, contre-subversion - du service, avant d’en prendre la direction générale.

Mais en 1996, Stella Rimington quitta son poste pour prendre la tête de la chaîne de magasins Mark & Spencer. En 2001, elle publia ses mémoires dans un ouvrage intitulé Open Secret, retraçant le parcours d’une femme évoluant dans un monde d’hommes. Une trajectoire inattendue, faite de rebondissements et d’importantes responsabilités qui lui ont valu - souvent malgré elle – d’être désignée comme une « femme au foyer super espionne » ou encore comme une mère de famille traqueuse de terroristes.

Une autrice de romans d'espionnage

Bien que l’ouvrage ne contienne aucun renseignement confidentiel, Open Secret suscita malgré tout des critiques de la part du gouvernement Blair et de certains hauts responsables du MI5. Mais cela ne découragea pas Stella Rimington qui publia trois ans plus tard son premier roman, At Risk, marquant la naissance de Liz Carlyle, une agente de renseignement devenue l’héroïne récurrente de plusieurs de ses romans d’espionnage, parmi lesquels Secret Asset, Illegal Action ou encore Close Call.

En 2011, l’autrice fût invitée à rejoindre le jury du prestigieux prix Booker. Trois ans plus tard, elle confia dans un entretien accordé à la BBC Breakfast que ses romans devaient obtenir l’aval du Ml5 avant publication, une procédure qui l’avait parfois contrainte à modifier certains lieux ou noms dans ses intrigues.

Principalement publiée par les maisons du groupe Penguin Random House aux États-Unis et au Royaume-Uni, Stella Rimington a deux de ses ouvrages traduits en français aux éditions du Masque : L’invisible (2005), réédité au Livre de poche en 2008, et L’un des nôtres (2007). Aujourd’hui, ces deux titres ne sont plus commercialisés.