Avant-critique Essai

Andrea Long Chu, "Autorité" (Pauvert)

Andrea Long Chu - Photo © Beowulf Sheehan

Andrea Long Chu, "Autorité" (Pauvert)

Rentrée littéraire

Assumant un discours disruptif, l'autrice trans américaine Andrea Long Chu donne un coup de pied dans la fourmilière des idées reçues que l'on retrouve dans la critique et parfois au sein même de la communauté LGBT+.

Parution 27 août

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Par Sean Rose
Créé le 25.06.2025 à 14h00

Transgenre express. Lauréate du prix Pulitzer pour la critique en 2023, Andrea Long Chu du New York Magazine s'est fait connaître outre-Atlantique par ses positions tranchantes, ne mâchant pas ses mots à l'endroit de la littérature comme de celles et ceux qui l'analysent. Longtemps contributrice aux pages culture de nombre de publications généralistes (The New Yorker, The New York Times, n+1) ou académiques (Transgender Studies Quarterly), elle détonne quant à sa position de femme trans. Marquée par sa lecture de SCUM Manifesto de Valerie Solanas, Andrea Long Chu, à l'instar de la féministe radicale new-yorkaise des années 1960, assume la provocation et un discours disruptif même au sein de la communauté LGBT+. Elle avait notamment déclaré dans son livre Femelles (Premier degré, 2021) : « Tout le monde est femelle, et tout le monde déteste ça », female en anglais se traduisant par « femelle » ou « femme ». Par « femelle » entendre : les notions de soumission, d'abnégation ou de réceptacle du désir. Ce qui a de quoi faire hérisser le poil de plus d'un ou d'une, tant cette affirmation vibre d'accents essentialistes... On répondra que ces notions mêmes ont été construites par le patriarcat. Andrea Long Chu dit encore qu'aimer les femmes, c'est vouloir être une femme.

Autorité rassemble des essais fort variés. Andrea Long Chu aborde tour à tour la critique littéraire, la fiction asio-américaine (l'autrice est métisse sino-américaine), sa propre opération de réattribution sexuelle ou le champ de bataille idéologique entre féministes de la deuxième vague, pour certaines transphobes, et théoriciennes du genre transphiles. Même les néophytes du genre et autres lecteurs ignorants des délicatesses du débat opposant TERF - acronyme de trans exclusionary radical feminists, les féministes non inclusives des trans dans le combat féministe - et pro-trans goûteront le style mordant de la polémiste.

Elle s'attaque à Maggie Nelson dont les essais aux titres fallacieusement lyriques (De la liberté. Quatre chants sur le soin et la contrainte) se révèlent être « des textes de critique universitaire assez classiques », tièdes et fleurant le libéralisme mou. Les jeunes générations de gauche qui ont biberonné à Internet seraient dans le manichéisme ? OK, vive la nuance, so what. Est-on plus avancé ? N'empêche, Andrea Long Chu est lucide et ne prend pas ses désirs pour la réalité. Pour l'autrice trans, la transidentité n'a rien d'un long fleuve tranquille, car on n'y a pas tant affaire à la question de l'identité qu'à celle du désir. Trans MtF (c'est-à-dire ayant fait sa transition du genre masculin au genre féminin), Andrea Long Chu aime les femmes : « L'hétérosexualité c'est tellement mieux quand on est soi-même devenu une femme. » Mais être une femme trans, quoique le « rabâche » l'activisme trans le plus vociférant, n'est pas être biologiquement une femme. On reste confronté à sa dysphorie de genre, comme le rappelle avec causticité la critique queer : « Les femmes transgenres optent pour des procédures de réassignation parce que la majorité des femmes ont des vagins. Vous pouvez dire que c'est transphobe si ça vous chante, ça ne m'empêchera pas de me faire changer ma bite en nénuphar. »

Andrea Long Chu
Autorité
Pauvert
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Louise Mulheim
Tirage: 2 500 ex.
Prix: 24 € ; 352 p.
ISBN: 9782213731612

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