Alors que le ministère de l’Éducation a dévoilé les résultats du millésime 2025 du concours de recrutement de professeurs des écoles (CRPE) début juillet, après lequel plus de 1 700 places restent vacantes faute d’attrait des étudiants, les éditeurs scolaires sont en ordre de marche pour fournir le marché après une réforme attendue depuis plus d’un an.
Un marché en souffrance
Cette dernière, officialisée en avril dernier, intervient dans un contexte de marché difficile. Les chiffres NielsenIQ Book data (GfK) parlent d'eux-mêmes : le marché du CRPE a chuté de 7,6 % en valeur en 2024. « Au premier semestre 2025, il est encore en baisse à -15 % en volume », précise à Livres Hebdo Sophie Corvi, directrice du département Enseignement technique et professionnel chez Hachette Éducation.
Pour endiguer la crise de recrutement massive qui frappe l’Éducation nationale depuis de nombreuses années, la réforme déplace le concours du niveau master 2 vers la troisième année de licence (L3). « C'est une réforme qu'on attendait », confirme Sophie Corvi. Le changement s'accompagne d'une période de transition délicate : pendant deux ans, les deux concours coexisteront. « Comme ils n’auront pas lieu le même jour, des étudiants en master pourront aussi passer celui de L3 s'ils le souhaitent », explique Élisabeth Sanchez, responsable éditoriale chez Hachette Éducation.
Stratégies éditoriales sous tension
Cette coexistence complique la tâche des éditeurs. « D'un point de vue strictement visibilité de l'offre, compréhension de l'offre, commercialisation de l'offre, c'est compliqué », reconnaît Sophie Corvi. Hachette Éducation, leader du marché avec ses 15 références en la matière, doit repenser son catalogue pour s'adapter au nouveau public L3, différent des étudiants de M2. Après avoir fait cause commune pour la réforme, chaque éditeur scolaire va maintenant développer sa stratégie pour gagner des parts de marchés : il y a ceux qui voudront publier au plus vite pour être disponible au plus tôt, au risque de ne pas approfondir certains pans du programme, quand d'autres arriveront plus tard sur les étals avec une offre plus complète...
D'autant qu'à l’heure actuelle, l'efficacité de la réforme sur l’attractivité reste hypothétique. Sur le papier, les avantages sont réels : concours plus accessible, rémunération dès le M1 et dispense des écrits pour les titulaires de la future Licence Professorat des Écoles.
Mais l'attractivité structurelle du métier demeure problématique. « Ce nouveau concours ne va pas changer les conditions d’exercice du métier », tempère Sophie Corvi.
Calendrier sous pression
En attendant l’évolution du marché, les éditeurs travaillent dans l'urgence, car cette annonce tardive du 19 avril, pour une application dès la rentrée, complique évidemment la production éditoriale. « Tous les éditeurs scolaires souffrent des délais qui sont de plus en plus serrés parce que des décisions politiques sont prises et annoncées très tardivement », ajoute-t-elle.
Malgré les difficultés, les éditeurs voient dans cette réforme une chance de renouveau. « Toute réforme est une opportunité », rappelle Sophie Corvi. Elle permet de « revoir l’offre, de proposer des choses différentes et d’espérer de nouvelles ventes ».
Reste à savoir si les étudiants suivront. « Combien d'étudiants actuellement dans des licences disciplinaires vont s’inscrire à ce nouveau concours ? Un étudiant de L3 en maths ou en lettres, sera-t-il intéressé ? », s'interroge Élisabeth Sanchez.
L'incertitude règne sur l’attrait de ce nouveau concours pour 2026. « Nous n'avons aucune idée du nombre de candidats qui se présenteront l’année prochaine », reconnaît cette dernière. Et lors des prochaines inscriptions au concours de recrutement de professeurs des écoles, il faudra que l’offre éditoriale soit bien en place…