Tragédie contemporaine. En une dizaine de livres depuis quinze ans et Les vies Lewis (Léo Scheer, 2010), Louis-Henri de La Rochefoucauld s'était forgé un style bon chic bon genre gentiment désespéré qui lui a valu la reconnaissance de ses pairs et quelques jolis prix littéraires (Deux-Magots, Roger-Nimier, Maurice-Genevoix de l'Académie française...). Mais ses lecteurs attentifs sentaient bien chez lui comme une insatisfaction, le désir, peut-être, d'aller plus loin, de changer de registre, voire de casser son image.

C'est chose faite aujourd'hui avec cet Amour moderne composite, roman très bourgeois à la Sagan mettant en scène un trio amoureux. Celui-ci est composé d'Ivan Kamenov, un rejeton de princes russes, auteur de comédies faciles qui lui ont valu la gloire et la fortune, mais divorcé et qui s'ennuie ; de Michel Hugo, un voyou de bonne famille, producteur de cinéma, ancien ministre de la Culture, mêlé à quelques sales affaires ; de sa femme, Albane Blanzac, actrice à succès qui ne tourne plus depuis des années, dépressive et sous l'emprise de son mari. Celui-ci, afin de la remettre sur les planches, commande à Kamenov une pièce sur mesure pour elle. Prétexte pervers pour les jeter dans les bras l'un de l'autre. Le piège fonctionnera-t-il ?

Après tout, c'est presque accessoire, l'essentiel du livre est ailleurs, dans ces réminiscences du passé, du crime d'un père massacrant son fils Alexis- le meilleur copain d'Ivan- et sa femme- la demi-sœur d'Albane. Dans ce mal-être des personnages emportés par le pire de notre époque. Si c'est ça l'amour moderne, on préférait l'ancien.