"L’Europe est en péril" lancent les signataires, qui constatent que "les critiques, les outrages, les désertions" montent de partout, pointant de leurs lumes le déferlement des forces populistes, le lâchage des deux grands alliées - le Royaume-Uni et les Etats-Unis, les manoeuvres de la Russie. "L’Europe comme idée, volonté et représentation est en train de se défaire sous nos yeux" ajoutent-ils.
Cette tribune a été signée par Vassilis Alexakis, Svetlana Alexievitch, Anne Applebaum,Jens Christian Grøndahl, David Grossman, Ágnes Heller, Elfriede Jelinek, Ismaïl Kadaré, György Konrád, Milan Kundera, Bernard-Henri Lévy, António Lobo Antunes, Claudio Magris, Adam Michnik, Ian McEwan, Herta Müller, Ludmila Oulitskaïa, Orhan Pamuk, Rob Riemen, Salman Rushdie, Fernando Savater, Roberto Saviano, Eugenio Scalfari, Simon Schama, Peter Schneider, Abdulah Sidran, Leïla Slimani, Colm Tóibín, Mario Vargas Llosa et Adam Zagajewski.
"Nous n’avons plus le choix."
Pessimistes, il prédisent un sombre avenir : "C’est dans ce climat délétère que se dérouleront, en mai, des élections européennes qui, si rien ne change, si rien ne vient endiguer la vague qui enfle et qui pousse et qui monte et si ne se manifeste pas, très vite, sur tout le continent, un nouvel esprit de résistance, risquent d’être les plus calamiteuses que nous ayons connues : victoire des naufrageurs ; disgrâce de ceux qui croient encore à l’héritage d’Erasme, de Dante, de Goethe et de Comenius ; mépris de l’intelligence et de la culture ; explosions de xénophobie et d’antisémitisme ; un désastre."
Aussi ils invitent au sursaut, appelant à la mobilisation, face à cette "Europe paresseuse". "Nous avons vécu dans l’illusion d’une Europe nécessaire, inscrite dans la nature des choses, et qui se ferait sans nous, même si nous ne faisions rien, car elle était dans le «sens de l’Histoire». C’est avec ce providentialisme qu’il faut rompre" expliquent les auteurs dans ce texte aux accents très lyriques. Ils enjoignent les citoyens à prendre conscience des enjeux qui annoncent la défaite de l'idée européenne. "Il faut, tandis que menace, partout, le repli souverainiste, renouer avec le volontarisme politique ou consentir à ce que s’imposent, partout, le ressentiment, la haine et leur cortège de passions tristes" écrivent-ils, en espérant que la résignation ne l'emporte pas.