« On veut nous faire peur, on veut nous intimider, on veut que certains livres disparaissent des tables. Mais nous ne céderons pas. Toutes les libraires à qui nous parlons le disent : nous tiendrons », assure Lucile Regourd, cogérante de la librairie féministe et LGBTQIA+ Violette and Co, couvrant la clameur des manifestants.
Jeudi 11 décembre, plusieurs dizaines de personnes – militants, membres de collectifs, associations, élus – se sont rassemblées devant le siège de la région Île-de-France, à deux pas de la mairie de Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis.
La militante Marame Kane et Lucile Rebourg de la libraire Violette and Co- Photo LLPour télécharger ce document, vous devez d'abord acheter l'article correspondant.
Bonnet violet sur la tête et pancartes à la main, les participants entouraient un micro surmonté d’un drapeau « Free Palestine ». Leur mot d’ordre : dénoncer « l’acharnement de la droite et de l’extrême droite » envers les librairies indépendantes et, plus particulièrement, les retraits de subventions dont Violette and Co a récemment fait l’objet.
Subventions retirées et incompréhension
La librairie, vandalisée l'été dernier – menaces écrites et téléphoniques, passages en voiture avec slogans, intrusions –, déplore notamment la suppression soudaine du projet qu’elle avait déposé au budget participatif handicap de la région. Alors qu’elle arrivait en tête du vote citoyen avec 2 174 voix, sa proposition visant à rendre accessible son espace en sous-sol a été retirée sans explication officielle, puis écartée en commission.
« Le dossier avait été validé par le Conseil régional. Et sans justification réelle, la subvention a été retirée. C’est une décision injuste », estime Jean-Luc Dumesnil, conseiller régional écologiste.
Autre sujet de discorde : le blocage d’une enveloppe de 482 000 euros destinée à 40 librairies indépendantes. Les élus à l’origine de ce veto reprochent à Violette and Co d’avoir mis en avant From the river to the sea, un livre de coloriage considéré par eux comme antisémite.
« Une cible commode »
Pour les cogérantes de Violette and Co, ces décisions s’inscrivent dans un climat politique délétère : « Il y a 40 librairies dans la liste. Ce n’est pas un hasard si la seule librairie lesbienne et LGBTQIA+ est pointée du doigt. Quand ce ne sont pas les titres sur la Palestine, ce sont ceux sur la transidentité. »
"Pas de démocratie à géométrie variable" proclament les manifestants- Photo LLPour télécharger ce document, vous devez d'abord acheter l'article correspondant.
Une analyse partagée par plusieurs élus présents, dont Alice Coffin, conseillère écologiste à la Mairie de Paris : « Ce n’est pas la première fois qu’on isole une association lesbienne, pour prétexter de ne pas voter. C’est arrivé aux Archives lesbiennes. »
Une inquiétude plus large dans la profession
Les attaques touchant Violette and Co s’inscrivent dans une tendance plus large, rappelle la librairie : récemment, 400 acteurs et actrices du livre ont signé une tribune dans Le Nouvel Obs pour dénoncer la multiplication de ces pressions. « Les attaques sont plus fréquentes, plus organisées. De simples tags, on passe à des tags à l’acide qui nécessitent de remplacer les vitrines pour plus de 10 000 euros », alerte Lucile Regourd.
« La solidarité reste notre force »
Parmi les soutiens présents, Laurianne Nicol, cofondatrice du prix Gouincourt, souligne l’importance de la librairie : « Violette and Co est un lieu très important pour la communauté. Au prix Gouincourt, les librairies indépendantes nous ont beaucoup soutenues en mettant en avant la sélection. C’est aussi un lieu qui permet à la communauté LGBTQIA+ de se rassembler, et c’est très important pour nous. »
Et les représentantes de Violette and Co de lancer un ultime appel : « Les librairies ne sont et ne seront pas en danger tant qu’elles ont un soutien de la part de leur clientèle. Restons solidaires entre librairies indépendantes, venez en librairie. Le soutien en ces périodes difficiles, c’est ce qui nous sauve, on continuera de lutter. »


