« Agressions, intimidations, diffamations, dégâts matériels, cyberharcèlements, pressions d’élu.e.s, etc. », sont les actions dénoncées dans une tribune publiée mardi 2 décembre dans Le Nouvel Obs par plus de 400 libraires, éditeurs, auteurs et collectifs.
Parmi les signataires figurent notamment des auteurs comme Mona Chollet, Alain Damasio, Sylvain Venayre, Alice Zeniter, les éditions La Fabrique ou encore le collectif Les Désirables. Une autre tribune avait déjà été signée en juin, sur le site de Mediapart, par ces mêmes acteurs, appelant à soutenir la diversité éditoriale à l’annonce de la dissolution du gouvernement.
Des dégradations liées au conflit israélo-palestinien
Cette fois, les signataires dénoncent des attaques physiques répétées contre des librairies : « Nos vitrines ont été souillées, taguées ou brisées, nos locaux vandalisés ». Le collectif affirme que ces attaques sont directement liées au catalogue des librairies proposant des livres engagés dans le conflit israélo-palestinien : « Nos librairies sont particulièrement affectées par les intimidations liées à l’exacerbation des antagonismes résultant des attaques meurtrières du Hamas, de la recrudescence de la colonisation israélienne dans les Territoires occupés, et de la guerre génocidaire toujours en cours à Gaza. »
En effet, de nombreuses librairies en France ont été victimes de dégradations matérielles. Dans la nuit du 14 au 15 novembre, par exemple, la librairie Petite Égypte à Paris, avait été attaquée en raison de la venue de Francesca Albanese, rapporteuse spéciale de l'ONU sur les droits humains dans les territoires palestiniens occupés. La tribune recense des actes de vandalisme également à Marseille (Petit Pantagruel), Périgueux (Les Bullivores), Nantes (Les Vagues), ou encore Paris (La Brèche, La Tête ailleurs, Violette and Co...).
Blocage d’une subvention de près de 500 000 euros
Ces attaques se déroulent dans un contexte de baisse des subventions publiques, deuxième volet des revendications de cette tribune. En effet, le 20 novembre dernier, des élus de droite du Conseil de Paris ont obtenu le rejet d’une subvention de 482 000 euros destinée à 40 librairies indépendantes (sur les 400 que compte la capitale). Les membres de l’association Paris Librairies avaient déjà, en novembre, dénoncé ce blocage et parlé de « torpillage ».
À la suite de cette annonce, l’Adelc (association pour le développement de la librairie de création) a diffusé un communiqué signé par Antoine Gallimard pour alerter sur la situation : « Les commerces de librairies ont des équilibres fragiles mais doivent rester des espaces de diversité et de liberté. Une liberté non conditionnelle », alerte-t-il notamment.
« Un acharnement désormais manifeste » envers Violette and Co
Cette subvention devait servir à réaliser des travaux pour réduire l’empreinte environnementale et permettre une meilleure accessibilité aux personnes handicapées. Les élus ont justifié ce blocage d’aides par la vente du livre de coloriage de Nathi Ngubane, From the River to the Sea, dans la librairie Violette and Co, qu’ils jugent antisémite.
« Que Violette and Co soit une nouvelle fois désignée comme responsable du vote de la droite et de l’annulation de près de 500 000 euros de subventions relève d’un acharnement désormais manifeste, et interroge sur les motivations réelles d’un ciblage qui s’exerce contre la seule librairie ouvertement lesbienne de Paris. »
Rachida Dati dénonce une « instrumentalisation »
Dans un courrier consulté par Livres Hebdo, la maire du VIIe arrondissement de Paris et candidate à la mairie de la capitale en 2026, et par ailleurs ministre de la Culture, Rachida Dati précise néanmoins, avec le conseiller de Paris David Alphand que « dans une démarche anti démocratique, l'exécutif a imposé un vote en un seul article (donc d'un seul bloc) pour près de 40 subventions distinctes à des librairies très diverses. » Les deux élus estiment qu’il s’agit pour l’exécutif « de soutenir coûte que coûte une seule librairie vendant des ouvrages pour enfants véhiculant de l'antisémitisme, quitte à sacrifier le soutien à toutes les autres. »
« Nous regrettons, avec l'ensemble des élus de mon groupe, le choix d'Anne Hidalgo et Patrick Bloche, de recourir à cette instrumentalisation de débat budgétaire qui s'est accompagnée d'une désertion massive de l'Hémicycle du Conseil de Paris par les élus de la majorité de gauche parisienne – visiblement peu préoccupés par la défense des librairies indépendantes afin d'éviter de sanctionner la seule librairie qui nous posait problème », complètent Rachida Dati et David Alphand.
« Nous continuerons à défendre le rôle des librairies indépendantes »
Les signataires dénoncent ces actions qu'ils estiment responsables d’ « entraver la diversité des lignes éditoriales et la diffusion des savoirs ». Ils concluent par une volonté affirmée de continuer à dénoncer et à proposer une littérature diverse : « Nous continuerons à défendre fermement le rôle des librairies indépendantes dans la diffusion des savoirs et leurs potentialités émancipatrices dans une société démocratique. »