Chez Didier Jeunesse, « un seul contrat a été annulé » cette année, se félicite Anne Risaliti. A l’inverse, la directrice des droits vient de signer la vente du premier titre d’une nouvelle série autour du blaireau Barnabé, et négocie la coédition d’une collection de livres à puce sur la musique classique. « J’ai plutôt l’impression que nos interlocuteurs ont plus d’argent à dépenser », observe-t-elle.
Plus d’exigence, de qualité, d’efficacité
Pour Denise Lu (Divas international, l’une des principales agences pour les éditeurs français en Chine, avec Dakai), les restrictions imposées aux éditeurs chinois sont « surtout un facteur de croissance, se félicite-t-elle. Auparavant, ils nous achetaient des titres dont ils considéraient “qu’ils peuvent peut-être marcher“, ce n’est plus le cas. Ils veulent du solide. Cela implique de notre part plus d’exigence, de qualité, d’efficacité et de suivi, mais c’est plus intéressant et, quand on sélectionne les bons titres, qui répondent à leurs besoins, cela fonctionne à tous les coups. Il faut travailler de manière ciblée et accepter des baisses de volumes au profit d’une hausse de la valeur au titre. »
Autres habitués de la foire internationale du livre de Pékin, Pierre-Jean Furet (Hachette Pratique) constate aussi que « le marché, beaucoup plus mature et exigeant, s’est sophistiqué », tandis que Jana Navratil Manent (Flammarion illustré) enregistre une nouvelle demande sur les livres d’art de la part d’éditeurs chinois « beaucoup plus professionnels ». « Beaucoup d’éditeurs qui viennent nous voir ont créé des départements art très récemment », précise sa collègue, Charlotte Lassansaa.
Engouement pour le livre d’art
Participant pour la première fois à la foire alors que doit s’ouvrir en novembre à Shanghai le nouveau musée West Bound Centre Pompidou, la directrice des éditions du Centre Pompidou, Claire de Cointet est à la fois frappée par l’intérêt de ses interlocuteurs chinois pour le livre d’art et par leur énergie. « Au bout de deux heures de présence, j’étais galvanisée », s’enthousiasme-t-elle, identifiant, au-delà des ventes de droits, « un potentiel pour relancer des collections que nous avions laissé tomber ».
C’est cette énergie qui a incité la directrice des droits de Michel Lafon à faire elle aussi le voyage pour la première fois. Alors qu’elle a « voulu voir sur place cet essor du marché chinois », qui s’incarne notamment pour Michel Lafon dans le succès de la réédition par Jieli de Tippi, mon livre d’Afrique, vendu à 300 000 exemplaires depuis avril et actuellement en réimpression, Honorine Dupuy d’Angeac a reçu plusieurs offres en non-fiction. « La conjoncture politique fait que les sujets sensibles sont devenus ultra-sensibles, admet-elle, mais il y a des ouvertures sur des thèmes comme le féminisme ou l’environnement. »
Sciences populaires
En bande dessinée toutefois, un secteur plus difficile, « les ventes ralentissent depuis l’an dernier à cause du durcissement de la censure et de la hausse des prix des ISBN pour les ateliers culturels privés, de quelques milliers de yuans à plus de 20000 (près de 3000 euros) », note Edmond Lee (Humanoïdes associés). Mais celui-ci réoriente ses ventes vers les séries de bande dessinée documentaire de « sciences populaires » comme « Toute l’éco », coéditée par La boîte à bulles et Belin, ou les BD de Mosquito sur des classiques de la littérature.
En visite pour la première fois à la Foire internationale du livre de Pékin, mais lui-même sinophone, Eric Sulpice, le directeur éditorial d’Eyrolles a trouvé que « les éditeurs chinois se plaignent pas mal, de la réduction du nombre d’ISBN, des prix tirés vers le bas ou encore de la concurrence de l’édition numérique en ligne, mais le niveau de qualité, le design et la fabrication ont beaucoup progressé. »