La série documentaire « Villages de France » produite par Arte, diffusée initialement en 2012, aurait fait l’objet de multiples rediffusions jusqu’en 2018 sans l’accord explicite du présentateur, qui affirme n’avoir autorisé qu’une première diffusion. Estimant que ces rediffusions enfreignaient ses droits, il demandait des réparations financières pour la contrefaçon de ce qu’il considère être son format de série et ses photographies, une rémunération pour l’exploitation de ses droits voisins d’artiste-interprète, ainsi qu’une indemnisation pour la violation de son droit à l’image.
Le présentateur comme artiste-interprète
Tout d’abord, le présentateur avançait que la prescription ne pouvait être opposée à sa demande, car les rediffusions constitueraient un « délit civil continu », empêchant le déclenchement de la prescription avant la dernière diffusion. Arte, de son côté, affirmait que les faits antérieurs à 2017 étaient prescrits (délai de cinq ans), soutenant que chaque rediffusion constituait un acte individuel de contrefaçon.
Par ailleurs, Arte contestait également la validité des droits revendiqués, arguant que les éléments avancés comme caractéristiques du « format » de l’émission, tels que le thème du village ou l’usage du drone, relèvent d’idées générales et non d’une œuvre protégeable. Concernant les photographies, Arte soutenait qu’elles manquent d’originalité et que le présentateur avait transféré ses droits à la SCAM, laquelle aurait perçu les droits correspondants.
Sur les droits voisins, le présentateur revendiquait royalement le statut d’artiste-interprète pour sa prestation, argumentant que celle-ci portait son empreinte personnelle. Arte rejetait cette qualification, affirmant que le rôle de présentateur ne constitue pas une interprétation artistique au sens juridique. Enfin, sur le droit à l’image, Arte estime que le présentateur avait autorisé les rediffusions dans son contrat, qui n’impose aucune limitation quant à la fréquence ou la durée des diffusions.
Never explain, never complain
En définitive, le tribunal a écarté les prétentions du célèbre présentateur. Sur la contrefaçon du format, il concluait que les éléments présentés ne constituaient pas une œuvre originale mais des idées non protégeables, car il s’agissait de concepts généraux sans formalisation suffisante. Concernant les photographies, le tribunal jugeait que le présentateur avait transféré ses droits à la SCAM, qui les a ensuite cédés à Arte, rendant toute nouvelle revendication infondée. De plus, le présentateur avait déjà perçu des redevances via la SCAM, ce qui rendait toute demande d’indemnisation supplémentaire inopérante.
Quant aux droits voisins d’artiste-interprète, le tribunal estimait que le rôle de présentateur ne répondait pas aux critères d’une interprétation artistique définie par le code de la propriété intellectuelle. Sa prestation, bien que personnelle et animée, ne constituait pas une œuvre artistique au sens strict et n’impliquait pas de droits voisins. Enfin, concernant le droit à l’image, le tribunal a considéré que le contrat du présentateur autorisait les diffusions du programme sans limitation et qu’aucune clause ne prévoyait de rémunération supplémentaire pour les rediffusions.
En définitive, cette décision (20 septembre 2024, Tribunal judiciaire de Paris, RG n° 22/08144) clarifie l’interprétation des droits d’auteur, des droits voisins, et du droit à l’image des présentateurs dans le cadre des productions audiovisuelles, en refusant de reconnaître une contrefaçon ou une violation des droits de ces derniers.