Selon une étude menée par l'Observatoire européen de l'audiovisuel et présentée lors du festival Séries Mania, les adaptations représentent 12 % de la production de fictions en Europe entre 2014 et 2022, soit environ 1 200 œuvres produites sur huit ans. Un chiffre stable qui souligne leur importance dans l'industrie.
Le livre, source numéro un des adaptations
Parmi les différentes sources d'adaptations (théâtre, bandes dessinées, blogs, mangas, jeux vidéo), le livre domine largement : trois quarts des adaptations européennes sont issues d'œuvres littéraires. « Les livres offrent une base narrative riche, des personnages développés et un arc émotionnel déjà prêt, ce qui constitue un atout majeur pour les créateurs », explique Agnès Schneeberger, analyste des marchés audiovisuels à l'Observatoire.
C'est tout le marché de la série audiovisuelle qui se donne rendez-vous à Lille au festival Séries Mania- Photo © EDPour télécharger ce document, vous devez d'abord acheter l'article correspondant.
Un autre enseignement clé de l'étude réside dans la préférence accordée à la littérature contemporaine : deux tiers des adaptations sont basées sur des œuvres récentes, tandis qu'un tiers provient de classiques du XXe siècle et antérieurs (seulement 5 % pour ces derniers). « La littérature contemporaine offre des perspectives et des valeurs actuelles qui résonnent avec les jeunes publics et facilitent l'exportabilité des productions », analyse Agnès Schneeberger.
Des adaptations majoritairement nationales
L'étude révèle que les adaptations littéraires sont principalement issues de best-sellers nationaux. « Cela reflète une tendance observée dans l'édition : les livres qui dominent les classements des ventes dans un pays sont souvent des œuvres nationales », observe la docteure en philosophie. En revanche, les remakes de séries sont plus souvent internationaux, illustrant une dynamique différente dans la transposition des contenus audiovisuels.
L'exemple britannique : un gisement d'adaptations
Le Royaume-Uni se détache nettement comme le leader européen des adaptations, un quart des adaptations produites en Europe étant issues d'œuvres britanniques. « Avec des auteurs emblématiques comme Shakespeare, Jane Austen, Dickens ou Agatha Christie, le Royaume-Uni dispose d'une réserve littéraire d'une portée mondiale », souligne Agnès Schneeberger.
Outre le Royaume-Uni, d'autres pays affichent une forte propension aux adaptations, notamment la France, l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne. Dans les pays nordiques, le « Scandinavian noir » est une source récurrente de transposition audiovisuelle.
Streamers et co-productions : moteurs des adaptations
Les plateformes de streaming jouent un rôle croissant dans la dynamique des adaptations. Bien qu'elles ne commandent que 14 % des productions de fiction en Europe, elles recourent proportionnellement plus aux adaptations que les chaînes de télévision classiques. « Les streamers ont un besoin rapide d'accéder aux marchés européens, et les adaptations leur offrent un levier stratégique », précise la spécialiste.
Par ailleurs, les adaptations sont deux fois plus fréquentes dans les co-productions que dans les productions nationales. « Lorsqu'il y a plusieurs parties prenantes, s'appuyer sur une histoire préexistante réduit le risque et facilite la collaboration », poursuit-elle.
Un format incontournable pour l'avenir
Les adaptations littéraires s'imposent ainsi comme une valeur sûre dans la production audiovisuelle européenne. « Elles offrent une sécurité aux créateurs tout en assurant un confort aux audiences, avec des histoires familières revisitant des univers connus », résume Agnès Schneeberger. Avec la stabilisation du marché des plateformes et le besoin d'exportabilité des contenus, cette tendance devrait se poursuivre et renforcer encore l'interaction entre édition et audiovisuel.
L’essor du streaming et la pression sur le modèle éditorial
Au premier jour du Forum de Séries Mania, l’Observatoire audiovisuel européen a également partagé une étude globale sur le marché audiovisuel au niveau continental.
Selon les données de l’OAE, le marché de la SVOD continue de croître, dominé par trois acteurs majeurs – Netflix, Prime Video et Disney+ – qui captent à eux seuls 85 % du temps de visionnage en Europe. Cette concentration pose un double enjeu : la difficulté pour les acteurs européens à émerger et la faible visibilité des contenus locaux sur ces plateformes, bien que l’obligation de quotas de production européenne tente d’y remédier.
Les films européens, bien que représentant 22 % des catalogues de VOD disponibles, peinent à rivaliser avec les productions américaines qui concentrent la majorité des visionnages. Toutefois, certaines niches comme les séries espagnoles ou danoises bénéficient d’une dynamique favorable, portées par des investissements ciblés de Netflix et d'autres plateformes globales.
Production audiovisuelle : entre expansion et rationalisation
Avec 2 358 longs-métrages produits en 2023, l’Europe retrouve un niveau de production similaire à l'avant-pandémie. L’Italie s’impose comme leader avec 354 films produits, suivie par l’Espagne (306) et la France (236). Cette croissance s'accompagne d'une augmentation des budgets de production, en hausse de 14 % par rapport à 2022, soutenue par les incitations fiscales et les aides publiques, qui restent la principale source de financement (26 % en moyenne).
Cependant, la production de fictions télévisées amorce un repli avec une baisse de 6 % du nombre de titres produits en 2023. L’attrait pour les formats plus courts et les séries haut de gamme (3 à 13 épisodes) se confirme, au détriment des feuilletons quotidiens. À noter que plus de la moitié des fictions européennes sont commandées par les télévisions publiques, garantissant une certaine stabilité du modèle.
La reconfiguration du modèle économique des chaînes de télévision
Face à la baisse des audiences linéaires et à la fragmentation de l’attention, les diffuseurs historiques adaptent leur stratégie en multipliant les services AVOD (vidéo à la demande financée par la publicité) et FAST (chaînes gratuites financées par la publicité).
Les chaînes privées réagissent en renforçant leurs offres de replay et en signant des accords de distribution avec les plateformes, tandis que les chaînes publiques européennes augmentent leur production de contenus originaux pour réaffirmer leur pertinence. En parallèle, la publicité vidéo migre progressivement vers les plateformes de partage de vidéos, qui représentent désormais 24 % du marché publicitaire audiovisuel.
L'avenir du paysage audiovisuel européen
Selon cette étude, l'industrie européenne fait face à des défis majeurs, entre la domination des géants du streaming, la reconfiguration des modes de consommation et la pression économique sur la production. L’enjeu pour les professionnels sera de trouver un équilibre entre création locale et compétitivité internationale, tout en adaptant les modèles de financement et de diffusion à un environnement en mutation rapide. L'accès à la donnée et une meilleure visibilité des contenus européens seront des leviers stratégiques pour l'avenir du secteur.
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