Régis Debray enchaîne les livres et les combats. A peine sorti de ses Modernes catacombes (Gallimard, 2013), où il encensait la France littéraire, le voici qui retourne s’installer au bar du « Café Voltaire » de Flammarion pour distiller quelques réflexions peu amènes sur notre époque. Prévenant, Régis Debray, dès son Avertissement, revendique son franc-parler, sa liberté de penser. A le lire, on se réjouit de ce qu’il appelle son « retour de flamme » et que sa nostalgie, qui est toujours ce qu’elle était, se transforme en une énergie « dynamique », voire « féroce ».
Le bel âge n’est pas seulement une condamnation satirique du jeunisme ambiant, en tant qu’« ennemi N° 1 des jeunes », il en est le démontage dialectique argumenté. Debray fait d’abord observer que si les baby-boomers au pouvoir, de plus en plus « jeunes », flattent les jeunes, ils ne songent pas à leur céder leurs places ! Que, parallèlement, notre pays se trouve asphyxié par une « tyrannie de la mémoire » généralisée mais sélective, qui ne contribue en rien à la restauration du « sentiment national ». Ce qu’on appelle aujourd’hui « nouveauté » n’est que de l’actualité vécue comme une valeur, et le suivisme est érigé en dogme.
Régis Debray, lui, plaide pour un retour à la culture authentique, face à la technique, « nécessairement désuète un jour » : « Le patrimoine, écrit-il, c’est l’ensemble de tout ce qui nous reste à voir ; une histoire, l’ensemble de tout ce qui nous reste à faire. » Pour une réappropriation du passé où toute nouveauté puise ses racines, en rupture avec le présent. Qu’on songe à la redécouverte de l’Antiquité gréco-latine par la Renaissance, tournant ainsi la longue page du Moyen Age.
Régis Debray, qui se revendique « gaulliste d’extrême gauche », demeure, à sa façon, le révolutionnaire de sa jeunesse. « Mettez un ancêtre dans votre moteur, conseille- t-il à ses cadets, autant dire un tigre », mais de papier, et qui, faute d’avoir réussi à « changer le monde », souhaite juste (ré)« enchanter l’avenir ». Vaste programme.
J.-C. P.