Au jardin, le bio est devenu une évidence. En moins d'une dizaine d'années, techniques naturelles et thématiques écologiques se sont largement installées dans les livres de jardinage, à tel point qu'aujourd'hui la plupart des éditeurs ne ressentent même plus le besoin d'inscrire le mot « bio » dans leur titre ou leurs contenus, entièrement régis par cette manière de faire. « Le bio est tellement ancré dans les mœurs et les pratiques, des auteurs comme des lecteurs, que l'on n'a plus besoin de le spécifier. C'est devenu quasiment la norme et plus aucun livre n'aurait l'idée de conseiller l'utilisation de produits chimiques », observe Brigitte Michaud, directrice éditoriale de Terre vivante, maison spécialisée dans le bio depuis sa création en 1980.
Evidente aujourd'hui, cette imprégnation se révèle également « logique », pointe Aurélie Starckmann, directrice éditoriale chez Larousse. « Jardiniers et amoureux de la nature ont été parmi les premiers à constater les dégâts provoqués par les produits phytosanitaires et le changement climatique, et à réagir. » Dans le secteur éditorial des livres de jardin, la prise de conscience a donc été rapide, « cela explique que les méthodes bio et naturelles aient irrigué la production plus vite qu'ailleurs », analyse l'éditrice, et que ce marché ait atteint sa pleine maturité.
Pionnier
Figurant parmi les premiers secteurs éditoriaux convertis au bio, le jardin a toujours conservé dans ce domaine un caractère pionnier. Depuis deux ans, les livres sur le jardin sont les premiers à connaître une nouvelle mutation, qui touche cette fois leur forme. La prise de conscience globale de la dégradation de l'environnement conjugué à l'apparition de la permaculture, méthode de culture naturelle qui dépasse largement le domaine du jardin et a explosé dans les catalogues il y a trois à quatre ans, ont conduit les éditeurs à revoir la conception de leurs publications. Expérimentant la transversalité, à l'image de ce que propose la permaculture, ils marient désormais des segments éditoriaux auparavant étanches, comme le jardin et la nature, et introduisent dans leurs ouvrages traditionnellement très pratiques des éléments plus théoriques.
« En dix ans, la typologie a clairement changé,confirme Aurélie Starckmann. De livres très pratiques et techniques on est passé à des objets plus rédigés et plus globaux, qui intègrent une réflexion sur les modes de vie actuels avec comme fil rouge un profond respect de l'environnement. »
Larousse comme Rustica ont lancé en 2017 une gamme d'essais liés au jardin, « un phénomène tout à fait nouveau pour un éditeur de pratique », signale Elisabeth Pegeon. La directrice éditoriale de Rustica, qui a publié une vingtaine de textes dans cette catégorie, a également mis sur le marché en début d'année Perma Gaia, un mook semestriel qui combine réflexions, savoir-faire, initiatives et conseils, et constitue un « très bon terrain d'expérimentation de cette transversalité ».
Coup de jeune
Si le déferlement du bio et de la permaculture a profondément modifié les approches des éditeurs, il a également contribué à redonner un coup de jeune à des techniques et méthodes traditionnelles. « Finalement, il n'y a pas à proprement parler de révolution des sujets, c'est surtout le traitement qui change », relève Elisabeth Pegeon, qui reconnaît dans la permaculture ce que pouvait englober le concept d'autonomie il y a vingt ans. La préoccupation environnementale a même remis au goût du jour des mots et des notions qui avaient disparu de nos ouvrages, comme la ferme. « On revient à des savoir-faire vieux de quarante ans, dont on s'était éloigné en raison notamment d'une très forte technologisation, confirme Aurélie Starckmann. A nous de les revisiter pour que public s'en empare pleinement. »