Histoires vraies

Cela fait quelques années que Roman Polanski cherchait à adapter D. de Robert Harris, son scénariste de Ghost Writer. Initialement, il ambitionnait une production internationale, en langue anglaise. Le cinéaste a finalement réussi à filmer "son" Affaire Dreyfus, en France et en français. Le film a obtenu le Grand prix du jury en septembre dernier au Festival de Venise.

J'accuse prend le point de vue du colonel Picquart (Jean Dujardin). Cela a son importance car, plutôt que de faire un film sur l'Affaire Dreyfus en elle-même, Polanski décrypte davantage l'antisémitisme qui règne en France et le système politique prêt à sacrifier l'Etat de droit. Le film est un thriller où s'entremêlent paranoïa, complot, secrets d'Etat, mensonges gouvernementaux, médias sensationnalistes et chasse au sorcière populaire. En anglais, le film oublie la référence à Zola pour se concentrer sur le genre du film, An officer and a spy (Un officier et un espion, ndt).
 
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Cette immense affaire de la fin du XIXe siècle, aux conséquences politiques, sociales et internationales insoupçonnées, a fait l'objet de nombreux livres et films. Le cinéma s'est penché sur l'histoire dès 1899 avec les frères Lumière et Georges Méliès. Un film allemand de Richard Oswald (1930), un film anglais de F.W. Kraemer et Milton Rosmer (1931), et un film américain, le plus célèbre, de José Ferrer (I  accuse, 1957) ont traité de ce scandale, que l'on retrouve aussi dans The Life of Emile Zola de William Dieterle (1937).

Alfred Dreyfus avait publié à l'époque ses propres témoignages (Cinq années de ma vie, publié à La découverte, Lettres d'un innocent, disponible chez Théolib, Carnets 1899-1907 publié chez Calmann-Lévy). Gallimard, en poche (Folio), vient de rééditéer Ecrire c'est résister, la correpsondance entre Alfred et Lucie Dreyfus de 1894 à 1899. Léon Blum (Souvenirs sur l'affaire), Georges Clémenceau (L'iniquité, La honte), Jean Jaurès (Les preuves) et Emile Zola (Combat pour Dreyfus) ont trempé leur plume pour écrire leur version et leur opinion sur l'affaire.

D. de Robert Harris (Plon, 2014) vient d'être réédité en format poche, traduit de l'anglais par Natalie Zimmermann, sous le titre J'accuse, avec Dujardin et Louis Garrel (qui incarne le capitaine injustement accusé) en couverture. Depuis sa parution en 2014, et tous formats confondus, le livre s'est vendu à 30000 exemplaires en France.

A l'occasion de la sortie du film, plusieurs ouvrages sont publiés ou réédités durant cette rentrée: J'accuse, la vérité en marche (Archipoche) et La vérité en marche, l'affaire Dreyfus d'Emile Zola (Tallandier), qui rassemble l'ensemble des articles et lettres que Zola a écrit sur l'affaire Dreyfus, afin d'en dénoncer le scandale et en vue d'obtenir la réhabilitation du capitaine ; L'affaire Dreyfus, vérités et légendes d'Alain Pagès (Perrin), soit une étude de l'affaire Dreyfus, de ses aspects judiciaires, de ses principaux protagonistes et de sa représentation dans les médias, qu'il s'agisse de la presse, de la littérature ou du cinéma ; Le faux ami du capitaine Dreyfus: Picquart, l'affaire et ses mythes de Philippe Oriol (Grasset), qui veut rétablir la vérité en montrant que Picquart était un antisémite obsessionnel qui pensait surtout à sa propre réputation ; Georges Picquart, la biographie de Christian Vigouroux (Dalloz), qui retrace le parcours d'une vie faite d'indépendance d'esprit et de courage, du colonel banni au ministre de la Guerre de Clémenceau.

Par ailleurs Jean-Paul delfino a romancé dans Assassins! (Héloïse d'Ormesson, septembre 2019) l'engagement de Zola sur l'affaire Dreyfus. L'écrivain y devient la cible de nombreuses critiques et diffamations et notamment de la part d'Edouard Drumont, fondateur de la Ligue antisémite de France, et de Léon Daudet. Et sa mort par intoxication en 1902 pourrait faire croire à un meurtre...
 


 

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