L’Anglais John Lanchester, dont on avait aimé Le prix du plaisir (Seuil, 1997) et Mr. Phillips (Seuil, 2002), était aux abonnés absents depuis la parution du Port des senteurs (Seuil, 2004). Il opère un retour, dans la collection « Feux croisés » de Plon, avec Chers voisins, roman qui devrait rencontrer un large succès.
Né à Hambourg et élevé à Hongkong, Lanchester entraîne le lecteur vers le sud de Londres où il réside avec femme et enfants. Et plus précisément à Pepys Road. Une rue, dont la plupart des maisons datent de la même époque, qui s’est embourgeoisée au fil des années. Au numéro 42, on trouve Petunia Howe qui ne s’est encore jamais évanouie à 82 ans.
Veuve estimant avoir mené « une petite vie tranquille », elle est « la dernière à être née dans la rue et à y résider encore ». En face, au 51, habite Roger Yount. Un banquier à la City de 40 ans, avec des costumes taillés à Savile Row. Marié à Arabella, père de deux enfants, Roger espère toucher une prime d’un million de livres pour assainir ses finances. Au 68, on trouve ensuite la boutique d’Ahmed Kamel, pakistanais et musulman, marié et père de deux enfants, dont le frère cadet, Sahid, « vagabond sur la face de la terre », est l’esprit libre de la famille.
Au numéro 27 se situe un immeuble de placement appartenant à Michael Lipton-Miller, « Mickey » pour les intimes. Ancien avocat de haut vol désormais factotum, médiateur et homme de confiance pour un club de football, il loge chez lui Freddy Kano, garçon de 17 ans né au Sénégal, qu’on dit promis à un bel avenir dans le monde du ballon rond. Mentionnons encore Quentina Mkfesi, la femme la plus impopulaire de Pepys Road. Venue du Zimbabwe, cette contractuelle zélée ne se montre jamais chiche dans sa distribution de P.-V. !
Véritable « page turner », Chers voisins épate par sa prouesse technique. Par la manière dont John Lanchester croise les histoires et les personnages tout en ménageant le suspense. On sait en effet dès le départ que les occupants de la rue ont tous commencé à recevoir des cartes postales représentant leur porte d’entrée. Cartes où figure l’inscription suivante : «Nous voulons ce que vous avez»…
A l’instar de Rose Tremain dans Retour au pays (J’ai lu) et de William Boyd dans Orages ordinaires (Points), Lanchester creuse dans les arcanes du Londres métissé d’aujourd’hui. Une mégapole avec ses gagnants et ses perdants, ses heureux et ses damnés. Alexandre Fillon