Avant-critique Roman

François Gagey, "Combustions" (Albin Michel)

François Gagey - Photo OLIVIER DION

François Gagey, "Combustions" (Albin Michel)

Rentrée littéraire

Le primo-romancier François Gagey imagine le parcours final d'un trio d'amis parti en randonnée se retrouvant confronté à un accident nucléaire.

Parution 20 août

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Par Sean Rose
Créé le 13.07.2025 à 11h00

L'ultime inventaire. Carpe diem ! « Cueille le jour », chante le poète latin Horace. Ces deux mots sont devenus un adage, une manière d'exhortation à vivre à fond. Pas un problème pour Paul, l'un des trois personnages du premier roman Combustions de François Gagey. Argent, pouvoir, belle épouse férue d'art contemporain, enfants parfaits rejetons de la reproduction sociale... Paul au mitan de sa vie est à l'acmé d'une carrière dans la finance. En vérité, de retour chez lui, voilà son corps, la journée si « tendu vers l'obsession de la performance et de l'apparence », métamorphosé en « petit tas dans le canapé de velours rouge cramoisi du salon », écroulé devant la télévision. Commence « la litanie des griefs » de la part de sa femme arty. Inès le quitte pour un galeriste. Déflagration dans les tours de ses certitudes. Mais qu'à cela ne tienne ! Le quinqua rebondit en rencontrant Yasmine, agent immobilier au verbe franc, qui détonne avec son milieu d'affaires policé. La plantureuse beauté l'aspire dans une passion incandescente, dont les jeux érotiques les entraînent jusqu'à l'autodestruction. Pour Paul, ça ne fait que commencer... Et pour nous, lecteurs, aussi, puisqu'il s'agit du début de l'histoire narrée par Baptiste, jeune collègue admirateur de Paul, lequel a accepté de partir en randonnée dans le Cotentin pour se reconstruire après Yasmine. Cette marche sur le sentier des douaniers, en compagnie de Darko, vieux copain de Baptiste, sera l'ultime itinéraire des randonneurs. Accident nucléaire à Flamanville. La zone aux abords de la centrale est interdite, le trio est condamné à la létale radioactivité. Se déroule ainsi le récit de la catastrophe auquel se mêle celui du passé de chacun. C'est l'inventaire avant disparition. Baptiste, le dernier survivant, l'énonce, ne parlant de lui qu'à la fin, quoiqu'on ait le sentiment que le livre est de bout en bout la confession de Baptiste, se racontant en creux à travers les autres, jetant un long regard rétrospectif sur sa relation avec Marine, une avocate, battante mère célibataire, dont il est profondément épris. Avec Marine, il lui a semblé approcher le bonheur, accéder à cet intime sous la carapace, également à la paternité par procuration avec la petite Andréa, la fille de Marine... Par-delà un ton aux accents cyniques de qui a lu Bret Easton Ellis, Houellebecq ou Tom Wolfe, vibre la voix nouée de ce narrateur à la mélancolie tendre. « Pendant que nous parlons, le temps jaloux s'enfuit », dit encore Horace dans son poème. « Cueille le jour, et ne crois pas au lendemain. »

François Gagey
Combustions
Albin Michel
Tirage: 7 000 ex.
Prix: 21,90 € ; 352 p.
ISBN: 9782226497161

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