Les éditions Gallimard annoncent la création d’une association des amis de Philippe Sollers. Cette association vise à faire lire l’œuvre de cet écrivain majeur, à rallier celles et ceux qui l’aiment et à ouvrir un espace aux chercheuses et chercheurs. Un volume des Cahiers de Philippe Sollers sera publié chaque année par Gallimard, sous la direction de Yannick Haenel et Victor Depardieu.
Grande figure de la scène littéraire, Philippe Sollers, s’est éteint le 5 mai 2023. De son vrai nom Philippe Joyaux, il était directeur de revues, membre du comité de lecture, directeur de collection aux éditions Gallimard et auteur de plus de 80 livres. En 1960, il crée au Seuil, la revue trimestrielle Tel Quel. L'année suivante, il devient lauréat du prix Médicis pour Le Parc (Seuil) et du prix Duménil en 2012 pour L’Éclaircie.
Livres Hebdo a interviewé l'auteur et fondateur de la revue Ligne de risque Yannick Haenel, qui dirige avec Victor Depardieu (ancien assistant de Philippe Sollers) les Cahiers de Philippe Sollers. Chez Gallimard, Yannick Haenel est aussi le directeur, toujours avec Victor Depardieu, de la revue Aventures, et de la collection éponyme.

Livres Hebdo : Philippe Sollers occupait une place à part dans le monde de l'édition. Créer cette association des amis de Philippe Sollers, c'est une manière de perpétuer sa mémoire ?
Yannick Haenel : Il s’agit de faire lire l’œuvre multiple et foisonnante de Philippe Sollers ; et aussi d’en déployer les enjeux. Je crois que sa célébrité a fait oublier la rigueur passionnée de ses livres, leur logique à travers le temps, leur puissance poétique. J’aimerais rallier les chercheurs, les écrivains et les proches. Il y a beaucoup de malentendus autour du nom de Sollers, notamment dans cette manière, complètement fausse, de l’associer à des idées réactionnaires. Philippe Sollers est un écrivain, pas un homme à messages. J’ai toujours aimé son côté irrégulier, réfractaire. Il avait une « place à part », comme vous dites. Et cette place à part va continuer.
Quelle forme les Cahiers Philippe Sollers prendront-ils ?
Ces Cahiers Philippe Sollers visent à étudier son œuvre sous toutes ses facettes. Je crois qu’on a beaucoup à découvrir en le relisant. Je pense notamment à la séquence inouïe dans la littérature française que constituent Drame (Seuil, 1965), Nombres (Gallimard, 1966), Lois (Gallimard, 1972), H (Gallimard, 1973) et cet événement majeur dans la langue qu’est Paradis (Seuil, 1981). Ce qui se propose à travers ces livres est révolutionnaire, jamais égalé. On oublie qu’il a fondé deux revues : Tel Quel et L’Infini qui ont façonné l’histoire de la littérature française. C’est à la lumière de son avant-gardisme qu’on pourrait relire tous ses livres, jusqu’aux derniers, très énigmatiques. Je vais solliciter des études de toutes parts. On a beaucoup à apprendre de ses livres pour une littérature à venir.
Quand le premier volume paraîtra-t-il et avez-vous déjà déterminé son contenu ?
Dans l’idéal, ce serait au printemps 2026. Je vais, pour commencer, lancer une vaste enquête sur l’idée qu’on se fait de Philippe Sollers : Qui est Philippe Sollers ? Ce sera le titre de ce premier volume. Qui est Philippe Sollers, c’est-à-dire qu’a-t-il écrit ? Qu’est-ce qui s’écrit sous son nom ? Ça va être passionnant. Il y aura des contributions de tous ordres. Des écrivains, des proches, des étudiants. Il y aura par exemple Jean-Jacques Schuhl, Catherine Millot, Christine Angot, Colette Fellous, Valentin Retz, Josyane Savigneau, Michaël Ferrier, Bernard Comment.