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Le monde de l’édition rend hommage à Philippe Sollers

Philippe Sollers - Photo Francesca Mantovani/Gallimard

Le monde de l’édition rend hommage à Philippe Sollers

La disparition de l’écrivain et éditeur Philippe Sollers, vendredi 5 mai, a bouleversé le monde de l’édition qui lui rend hommage, dans un dernier au revoir.

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Par Elodie Carreira,
Créé le 09.05.2023 à 17h12

Il était le « joyau » de la littérature française. Écrivain aussi prolifique que médiatique, directeur de revues, membre du comité de lecture et directeur de collection aux éditions Gallimard, Philippe Sollers s’est éteint, vendredi 5 mai, à l’âge de 86 ans. Une disparition bouleversante pour le monde de l’édition, qui prend la parole, se souvient et fait ses adieux.

  • « Je suis venu, j'ai vécu, j'ai rêvé », ont tweeté les éditions Gallimard, en référence à l’un des derniers ouvrages de Philippe Sollers, Agent secret (2021). La maison publiera en juin la correspondance de l’auteur avec Francis Ponge.

 

  • Sollicitée par Livres Hebdo, l'écrivaine et journaliste Josyane Savigneau, aussi ancienne rédactrice en chef du Monde des livres, se souvient de sa première vraie rencontre avec l’écrivain :
     

« Je l’avais lu et interviewé, mais je ne l’ai véritablement rencontré que lorsqu’on lui a demandé de tenir une chronique dans Le Monde. Pendant dix-huit ans, il a inventé une manière non muséale de parler de l’histoire de la littérature. C’est comme ça que nous sommes devenus amis. Il se levait à cinq heures du matin et travaillait toute la journée, avec une discipline de fer et un moral d’acier. À 18 h 30, c’était le moment de la conversation. Un jour, un ami nous a demandé ce qu’on pouvait bien se raconter comme ça, tous les jours. De cette question est née notre livre, La Conversation infinie (Bayard, 2019). »

Sur sa relation avec la maison Gallimard, elle ajoute : « Il avait une relation très particulière avec Antoine Gallimard, qui a imposé un novateur dans une maison très patrimoniale. Philippe en était très fier. D’ailleurs, je ne l’ai jamais vu se plaindre de rien, même lorsqu’il était malade ces derniers mois. Il n’était jamais de mauvaise humeur. Parfois, dans ses livres, la mélancolie affleure. Dans la vie, jamais. Il a toujours été vu comme un dilettante alors qu’il ne joue aucun jeu dans son œuvre, il est parfaitement cohérent. »

 

  • Yannick Haenel, cofondateur avec François Meyronnis de la revue Ligne de risque, s’est également confié à Livres Hebdo :


« Avec François Meyronnis, nous l’avons rencontré en 1997, pour parler, des heures durant, des avant-gardes et de Lautréamont. À la fin, il nous avait dit : “À partir de maintenant, je veux lire tout ce que vous écrivez” et il est devenu notre éditeur. La lecture de Debord et Heidegger nous rapprochait. Avec Tel Quel, il avait connu le moment où les sciences humaines étaient devenues plus importantes que la littérature. J’aimais sa volonté de rapprocher littérature et pensée. C’était un grand écrivain-éditeur, il avait publié les derniers textes de Bataille, connu André Breton, et les avait pratiquement réconciliés au début des années 60. »

Ajoutant que : « Comme auteur, il parlait d’anti-story, refusait l’intrigue, mais comme lecteur, il aimait la matière romanesque. On lui apportait un texte le soir et le lendemain matin, il en parlait pendant deux heures. Sans le corriger, il en livrait une véritable radioscopie. C’était également un très grand critique, l’auteur d’une encyclopédie d'auteurs, de peintres, de musiciens. Finalement, j’ai bien connu Philippe Sollers, mais je n’ai jamais rencontré Sollers, le personnage de la comédie sociale. »

 

  • Sur Twitter, l’écrivain Bernard Henry-Lévy a partagé son choc :

 

 

  • Au micro de France Info, l’écrivain Frédéric Beigbeder, auteur de Nouvelles sous ecstasy (1999) édité par le directeur de publication de Gallimard, a conclu :

    « C'est une catastrophe pour la littérature contemporaine (…). Nous perdons le parrain des lettres », ajoutant que Sollers « a été un auteur extrêmement inventif et expérimental. Il a été fou de littérature toute son existence, et pas seulement comme romancier, mais aussi comme très grand critique littéraire et éditeur ».

 

  • Interrogé par Livres Hebdo, le journaliste et écrivain Arnaud Viviant se souvient de la parution de son premier roman, soutenue par l’auteur :


« Il m’a écrit quand je publiais mon premier roman. Il s’intéressait vraiment aux écrivains et aux jeunes écrivains. Ça a été très important pour moi. On devient réellement écrivain lorsqu’un écrivain dit que vous l’êtes. Pour lui, un livre c’était une écriture, une voix. On trouvait la sienne, reconnaissable à son phrasé jazzy, dans ses livres, dans une conversation, dans ses passages télé. Aujourd’hui, on confond l’écrivain et le romancier alors que pour lui, la critique était aussi importante que la fiction ou le journalisme. Philippe Sollers avait une vision du monde que j’adorais, un génie très particulier que je rapprocherais de celui des encyclopédistes et du XVIIIe siècle qu’il aimait tant ».

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