Ce rendez-vous au théâtre de la ville n’était pas prévu dans son agenda. A cette occasion, promettant des « décisions fortes », il a affirmé qu'il souhaitait s'appuyer sur deux piliers pour trouver une solution à la situation des auteurs, suite à la remise du rapport Racine il y a une semaine, qui critique fortement le désengagement de l’Etat et souligne la forte précarisation des auteurs-artistes.
Le premier socle repose, selon le président de la République, sur l'accès à la culture. Il a annoncé l'ouverture du Pass Culture, fortement critiqué pour sa gestion comme pour son utilité, à la moitié des régions françaises, le 1er avril, et rappelé l'existence du programme d'ouverture des bibliothèques le dimanche, qu’il continue de vouloir étendre. Le président souhaite ainsi "continuer d'accompagner toutes les communes qui veulent se lancer".
Dans un second temps, le chef de l'Etat à insisté sur l'importance de continuer à défendre celles et ceux qui font la culture et rappelé le caractère essentiel de l'aide, de l'accompagnement et de l'encouragement des professions du livre.
Le chef de l'Etat a proposé que le CNL (Centre national du livre) oriente davantage ses financements vers les auteurs. Il a déclaré vouloir tout mettre en œuvre pour que leurs droits sociaux soient simplifiés. Selon lui, le prix d'une œuvre doit pouvoir être réparti de manière plus juste entre les auteurs, éditeurs et libraires, reprenant l’un des arguments du rapport Racine, alors que le SNE, le matin même, avait demandé une étude d’impact sur les propositions de ce rapport.
Enfin, le président a exprimé sa volonté de développer les résidences d'artistes et assurer, avec cette mesure, un cadre protégé aux artistes. Il souhaite faire de la France une terre d'accueil pour les artistes.
Un déjeuner, un tee-shirt et un slip
Emmanuel Macron est arrivé vers 13 heures à Angoulême, après une visite matinale d’une usine charentaise. Il a déjeuné avec plusieurs auteurs, éditeurs et représentants d'organisations collectives. Étaient présents Enki Bilal, Jul Lewis Trondheim, Cécile Bidault, Cy, le président de la Ligue des auteurs Denis Bajram et sa vice présidente Samantha bailly. Marc-Antoine Boudin, Franck Bondoux, Pierre Lungheretti, Bruno Racine, Vincent Montagne, Jacques Glénat, Charlotte Gallimard, Benoît Preteseille et Christel Hoolans, tous attablés, en présence du ministre de la Culture Franck Riester.
Au cours de ce déjeuner, le dessinateur Jul a évoqué le sujet des violences policières avec Emmanuel Macron et lui a offert un tee-shirt blanc représentant un Fauve éborgné avec l'inscription LBD 2020. Un collectif de dessinateurs avait ensuite détourné la mascotte du Festival d’Angoulême – un petit chat créé par Lewis Trondheim – en l’éborgnant.
Mais pourquoi Emmanuel Macron a t’il accepté de poser à #Angouleme avec ce T-Shirt #LBD2020 offert par @jul_auteur ?!
— Paul Larrouturou (@PaulLarrouturou) January 30, 2020
Sa réponse au micro de #Quotidien. https://t.co/D7DZH5fWxb pic.twitter.com/jU5OhvHKkG
Jul a failli ne pas assister au déjeuner à cause de ce tee-shirt: la sécurité ne le voyait pas d'un "bon œil". En le recevant, le président de la république a confié : « C’est aussi parce que nous sommes une société libre que le président de la République peut accepter de poser avec un tee-shirt où il y a quelque chose avec lequel il n’est pas d’accord. » A la presse, il a aussi dit : « Néanmoins de là où je suis je dois défendre la créativité, la liberté d'expression, y compris l'insolence et y compris la création d'artistes qui disent des choses avec lesquelles je ne suis pas en accord. » Les syndicats de police ont trouvé la photo scandaleuse et provocante dans le contexte actuel.
Cela a aussi amené parodies, indignations et moqueries. On a ainsi pu voir dans un photomontage le président tenant le slip taché du Gros dégueulasse de Reiser, en compagnie de Jul.
A l’extérieur, 200 manifestants opposés à la réforme des retraites (selon la police) ont défilé en demandant la démission d’Emmanuel Macron. La manifestation se tenait près de la gare, à l’écart du centre-ville où s’est installé le FIBD. Ils n’ont pas pu s’y rendre. Mais, sur le parvis de l'Hôtel de Ville, ils ont sifflé et hué le ministre de la Culture. Cela n’a pas empêché Raphaël Manzanas, candidat à la mairie d’Angoulême, d’interpeller Emmanuel Macron, après que le président ait pris une photo avec une jeune fille. L’échange sur la réforme des retraites a été musclé, argument contre argument.
De leur côté, les auteurs débrayeront vendredi 31 janvier à 16h30 à la suite d'un appel à "poser les crayons" en arrêtant les séances de dédicaces qui étaient prévues.
Plus calmement, malgré les médias qui se bousculaient, le président a passé son après-midi en visitant deux expositions au musée de la BD : « Dans la tête de Pierre Christin » et « Lewis Trondheim fait des histoires ». Les deux auteurs ont pu faire découvrir leurs planches au Chef de l'Etat et au ministre de la Culture dans les murs calfeutrés de la cité internationale de la BD.