Strasbourg 2024

Éditions 2024 : « Nous allons changer de nom en 2025 »

Simon Liberman et Olivier Bron, fondateurs des Editons 2024. - Photo CR

Éditions 2024 : « Nous allons changer de nom en 2025 »

Dans le cadre de « Strasbourg, capitale du livre », les éditions 2024, qui fêtent cette année leurs 14 ans d’existence, sont au cœur de trois expositions en lien avec le festival Central Vapeur. Une mise en avant de leur histoire et de leur catalogue, venant conjurer le sort funeste de la maison que ses fondateurs lui avaient prédit. Portrait.

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Par Élodie Carreira
Créé le 26.04.2024 à 15h50 ,
Mis à jour le 02.05.2024 à 09h39

« En 2010, nommer la maison "éditions 2024" nous semblait très SF. Cela marquait une étiquette de péremption puisque 2024 devait être l’année où, avec Olivier, on atteindrait nos 40 ans. Et où l'on deviendrait probablement ringards », s’amuse Simon Liberman, l'un des fondateurs de la maison. Heureux hasard ou non, l’année 2024 n’aura finalement pas englouti les éditions 2024. Quatorze ans après sa création, la maison indépendante strasbourgeoise célèbre même l’échec de cette prédiction apocalyptique en franchissant le cap des cent titres publiés. Coïncidence sur coïncidence, sa date d’anniversaire tombe au moment même où Strasbourg devient capitale mondiale du livre pour un an.

Pourtant, à l’époque, Olivier Bron et Simon Liberman n’y croient pas trop. Ils se rencontrent aux Arts Décoratifs de Strasbourg, période durant laquelle ils rejoignent tous deux le collectif « Troglodyte », qui réunit une douzaine d’illustrateurs et édite le fanzine Ecarquillettes et le webzine Numo.fr. « C’était un laboratoire, une première expérience éditoriale. À ce moment-là, la BD numérique n’existait pas encore, on était précurseurs », expliquent les éditeurs.

Faire connaître les jeunes diplômés

Au sein du collectif, les futurs éditeurs forment un binôme autonome. C’est là que le projet de monter une maison d’édition « qui permettrait d’éditer des projets de diplômes de camarades », se profile. Ceci n’est pas une farce : le 1ᵉʳ avril 2010, le statut de la SAS est déposé. Fable scientifique idiote et savante à la fois, Les Derniers Dinosaures de Donatien Mary et Didier de Calan donne le coup d’envoi de cette aventure éditoriale qui veut renouer avec la fiction, genre alors délaissé au profit de la BD documentaire. Étonnement, l’originalité déconcertante de l’album séduit. Pour sa 38ᵉ édition, le festival d’Angoulême commande aux éditions une exposition dédiée, en forme de cabinets de curiosité, sous le Pavillon Jeunes Talents. L’installation, première d’une longue série, permettra aux éditeurs de déployer un argument de taille auprès des organisateurs de festivals, ce qui contribuera aussi au succès de la maison.

Editions 2024
A la Terrasse du Palais Rohan, à Strasbourg, les éditions 2024 sont au coeur de l'exposition "La Grande Coïncidence"- Photo EC

En 2012, Matthias Picard, un camarade de formation, débarque avec le titre-ovni Jim Curious, Voyage au cœur de l’océan. Constitué de planches anaglyphes, l’album livre une exploration inédite des fonds marins, qui se lit en chaussant des lunettes 3D. Le succès est immédiat. La bande dessinée, écoulée autour de 25 000 exemplaires, fait, elle aussi, l’objet, cinq ans plus tard, d’une exposition à Angoulême. Aujourd’hui, elle est traduite dans plus de 30 pays. « On voulait sortir des catégories et je crois que ce que l’on proposait tombait à pic », analyse après coup Simon Liberman.

Fiction de genre et aventures

Aujourd’hui, les éditions 2024 comptent près de 40 auteurs et publient une douzaine de titres par an, tirés systématiquement autour de 4000 exemplaires. Dans le lot, plusieurs se sont même hissés au rang de best-seller ces dernières années. Parmi eux : Le Grand Vide de Léa Murawiec (23 000 exemplaires), Tulipe de Sophie Guerrive (50 000 exemplaires), La Revanche des bibliothécaires de Tom Gauld, aujourd’hui à l’honneur au Studium de Strasbourg, mais aussi Le visage en Pavil de Jeremy Perrodeau, Fauve des lycéens 2024 ou encore Boule de Feu et Ducky Coco, imaginés par Anouk Ricard.

« On a même kidnappé à l’écurie Delcourt Jérémie Moreau », plaisante Simon Liberman. L’auteur de Le Discours de la panthère (2020), écoulé à 20 000 exemplaires et couronné d’un des prix BolognaRagazzi, prévoit d’ailleurs de publier une nouvelle fable animalière.

Révélatrice de talents au sang frais, la maison s’essaye aussi à ressusciter des œuvres oubliées, empruntant le principe aux éditions Cornélius. Parmi les rééditions de l’œuvre de Gustave Doré, illustrateur strasbourgeois du XIXe siècle, Les Travaux d’Hercule a glané le prix du patrimoine 2019 à Angoulême.

« Notre catalogue prend un tournant »

Plus récemment, La pérégrination vers l’Ouest, œuvre magistrale composée de 836 pages qui redonnent vie à une centaine de gravures des plus grands noms d’écoles d’art chinoise, a été récompensée du Trophée de la conception artistique, délivré par Livres Hebdo. Dans ces dernières publications, la patte punk des débuts de la maison tend à s’estomper au profit de détails foisonnants et d’intrigues plus réalistes, signe d’un glissement progressif vers une nouvelle ère.

Editions 2024
Dans les locaux des Editions 2024, à Strasbourg.- Photo EC

« C’est vrai que notre catalogue prend un tournant. Depuis Des vivants, on sort un peu de la fiction, sans doute parce que nos auteurs sont plus investis qu’auparavant par les sujets d’actualité », tentent d’expliquer le duo d’éditeurs. Inauguré en 2019, le label jeunesse 4048 marquait déjà un premier virage, analogue à l’évolution artistique et de pensée des auteurs de la maison. « Nos auteurs ont eu des enfants, comme nous d’ailleurs, et ils ont eu envie de faire des projets jeunesse bien identifiés », complète Simon Liberman, citant volontiers Sophie Guerrive et Le club des amis, sorte de spin-off du personnage de Tulipe.

Nouveau nom, même identité

« Je crois qu’il y a aussi des projets avec lesquels on n’est plus vraiment en phase », admet l’éditeur qui constate « avec une forme d’attraction-répulsion » un retour, chez la nouvelle génération, de références graphiques datant des années 1990. Une nouveauté qui n’a pas encore de quoi inquiéter les éditions 2024. « On a acquis une petite notoriété, du coup on reçoit environ quatre projets par jour, par mail ou voie postale », se réjouissent ses fondateurs.

Mais alors, qu’attendre de la suite ? « On va sûrement continuer à faire ce qu’on est en train de faire, décloisonner la fiction de genre, mais aussi choisir un nouveau nom en 2025 », racontent-ils. Loin de la menace fictive qu’ils avaient imaginée quatorze ans plus tôt, les deux acolytes songent désormais à s’implanter durablement à Strasbourg, dans l’optique d’instaurer « une familiarité entre les gens d’ici, et le catalogue, les personnages, que tout ça infuse dans la culture populaire locale ».

 

Expositions et manifestations autour des Editions 2024

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