Père de Mafalda, personnage culte et universel de la bande dessinée, Quino, croqueur d'actualité et prince des aphorismes, est mort à l'âge de 88 ans.
Par
Vincy Thomas
avec afpCréé le
30.09.2020
à 23h19
Quino, le père de Mafalda, cette petite fille espiègle à la grosse tignasse noire qui déteste la soupe, l'injustice et la guerre, décédé à l'âge de 88 ans, combinait un sens aigu de l'absurde et la finesse politique des grands dessinateurs d'actualité. "Je dessine parce que je m'exprime mal", confiait l'Argentin de son vrai nom Joaquin Salvador Lavado, auteur pour l'essentiel de courtes BD et de dessins d'humour quasi muets.
Dans un communiqué, Glénat, son éditeur en France, exprime sa "grande tristesse". "C’est en 1964 qu’il donnait naissance au personnage de Mafalda, petite fille au caractère bien trempé qui incarnera le style « Quino », cet humour à la fois acerbe et subtil, philosophique mais surtout éminemment politique. Ses réflexions font un écho tout particulier à notre époque actuelle" poursuit l'éditeur qui rend hommage à "ce grand maître de la bande dessinée [qui] aura marqué plusieurs générations par son talent et son esprit." Glénat a réédité Mafalda : intégrale en 2018.
Ce fils d'Andalous, né Joaquin Salvador Lavado Tejon au pied des Andes dans la région de Mendoza en Argentine, le 17 juillet 1932, découvre très jeune la puissance du crayon. "A trois ans, je dessinais avec mon oncle. J'ai compris alors que d'un objet si simple pouvaient naître des personnes, des chevaux, des trains, des montagnes... Un crayon est une chose merveilleuse", aimait-il à raconter. A 13 ans, il s'inscrit à l'école des Beaux Arts de Mendoza, mais en 1949, "lassé de dessiner des amphores et des plâtres", il arrête ses études et ne pense plus qu'à une seule chose: devenir illustrateur d'humour. En 1948, il se lance dans la BD muette. Il connait des années de disette jusqu'au "jour le plus heureux de (s)a vie", en 1954, lorsque l'hebdomadaire argentin Esto Es publie sa première page.
Piètre dessinateur
De son propre aveu, il dessinait mal. Le dessinateur Divito le corrige. "Avant, je dessinais sans ombres, tout en ligne claire. Divito disait qu'il ne fallait pas laisser autant de blanc, que les lecteurs voulaient en avoir pour leur argent. Puis il m'a demandé de lui apporter des dessins avec du texte". Une librairie de Buenos Aires expose ses premières œuvres en 1962, et, un an plus tard, son premier recueil de dessins Mundo Quino (le monde de Quino), paraît. La même année, il travaille pour une campagne de publicité qui recherche un personnage "entre Blondie et Peanuts" pour un appareil ménager de la marque Mansfield. C'est là que naît Mafalda mais la campagne n'a jamais vu le jour. Une année plus tard, poussé par son épouse Alicia Colombo, il ressort cette petite fille d'un tiroir pour une publication dans l'hebdomadaire Primera Plana. Très vite, sa popularité dépasse les frontières de l'Argentine puis de l'Amérique latine et gagne l'Europe. A sa sortie en Espagne, alors oppressée par Franco, Mafalda est réservée aux adultes. Elle est censurée en Bolivie, au Chili et au Brésil. Après le coup d'Etat de 1976 en Argentine, Quino s'exile en Italie, puis en Espagne.
Rebelle et irrespectueuse Mafalda
L'irrespectueuse Mafalda, à l'humour acerbe et philosophique, subtil et subversif, avec ses deux points pour les yeux, une petite boule en guise de nez et toujours un nœud dans son épaisse tignasse noire, est la fille d'une femme au foyer et d'un agent d'assurances argentins totalement dépassés par sa maturité. Elle déteste la soupe, l'injustice et la guerre. Grâce à la finesse politique de son créateur, elle porte un regard lucide et malin sur ce monde absurde. Ses demandes d'explication sur la condition féminine, la dictature, la surpopulation, la guerre atomique ou encore Fidel Castro sont en réalité l'expression d'une indignation constante contre le monde des années 60. Parmi ses copains, le capitaliste Manolito, l'anarchiste Miguelito, la rétrograde Susanita, Mafalda est la seule à refuser le monde tel qu'il est présenté.
Quino s'est souvent autocensuré. "Au début on m'a clairement demandé "pas de militaire, pas de religieux, pas de sexe". Et du coup, je me suis mis à parler de tout ça mais d'une autre manière", racontait Quino. Le 25 juin 1973, il décide subitement d'arrêter sa série par peur de "trop se répéter". Maflada deviendra une héroïne de série animée d'abord en 1975 puis en 1995. Il se remet à dessiner des "Monsieur-tout-le-monde" interchangeables, médiocres et à la stupidité universelle. Atteint de problèmes de vue, il a définitivement posé son crayon en 2006. Sa dernière publication en 2007, Manger quelle aventure! a été éditée en France en 2016.
Je suis Charlie
Après l'attentat contre Charlie Hebdo; le dessinateur, proche de Wolinski, a fait l'une de ses dernières apparitions publiques en janvier 2015: "Mafalda aurait ressenti une peine terrible", avait-t-il dit, tenant dans son fauteuil roulant une pancarte "Je suis Charlie". Il a régulièrement exprimé son désaccord pour l'utilisation de son personnage à des fins politiques, notamment lorsque les mouvement anti-avortements en Argentine ont exploité la gamine à la tignasse noire.
Quino a reçu en 1998 de la municipalité de Buenos Aires le titre prestigieux de « maître ès arts » et également en 2012 les insignes d'Officier des Arts et des Lettres puis en 2014 ceux d'Officier de la Légion d'honneur,. Mafalda est également officier de la Légion d'honneur, et devient ainsi le premier personnage de BD décorée par cette récompense. Cette année-là, le festival d'Angoulême lui rend hommage, avec une exposition sur son héroïne. Il reçoit aussi le prix Princesse des Asturies dans la catégorie Communications et Humanités et est accueilli par une ovation au Salon du Livre de Paris. Glénat publie alors Quino: 60 ans d'humour. Quino était aussi Docteur Honoris Causa de plusieurs universités.
Prince des aphorismes, il avait écrit: "La vie, c’est un peu comme un film... Les uns ont les premiers rôles, les autres un petit rôle de rien du tout." Quino, en tout cas, était aux premières loges, et observait tout ça avec une ironie mordante et atemporelle.
Mafalda statufiée en bas de l'appartement de son auteur Quino - Photo VINCY THOMAS
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Écrit sous pseudonyme, Le roman de Marceau Miller suscite un fort engouement tant en France qu’à l’étranger, avant même sa parution le 17 janvier chez La Martinière.
Dirigée par l’illustrateur et auteur jeunesse Benjamin Lacombe et chapeautée par la directrice éditoriale Marie Baumann, la collection « Papillon Noir » de Gallimard décline classiques et fictions originales en beaux livres illustrés pour adultes. Deux premiers titres ont paru le 30 octobre.