La bibliothèque nationale universitaire de Strasbourg procède actuellement à une inspection complète de ses livres anciens à la recherche d’ouvrages à reliure colorée au vert de Schweinfurt. Ses pigments contiennent des traces d’arsenic. Le Poison Book Project répertorie tous les titres concernés, il est lancé par Melissa Tedone, responsable d’un laboratoire de conservation du matériel de bibliothèque dans le Delaware.
Un colorant attirant
Au début du XIXe siècle, de nombreux livres, vêtements, papiers peints et peinture contenaient cette teinture couleur émeraude appelée vert de Schweinfurt mais aussi vert de Paris ou de Vienne. Celui-ci est composé d’acéto-arsénite de cuivre, un mélange obtenu à partir d’une forme d’arsenic. C’est avec l’apparition de la toile de reliure, remplaçant le cuir par le tissu, que l’attirante couleur verte a envahi les bibliothèques de l’époque victorienne. À certaines doses, les émanations peuvent déclencher des malaises, vomissements et diarrhées.
Publiés en Angleterre et aux États-Unis, on en retrouve aussi en Allemagne. Les bibliothèques germaniques ont récemment commencé un grand nettoyage de leur fonds à la recherche d’arsenic. Celle de Bielefeld a dû retirer près de 60 000 ouvrages de ses étagères. À l’époque où Strasbourg appartenait à l’Empire allemand à la suite de son annexion en 1871, de nombreuses interrogations subsistent sur la présence ou non de ces livres verts dans les bibliothèques alsaciennes. Auraient-ils jadis traversé le Rhin ?
Une enquête prise avec sérieux
À l’aube de devenir la Capitale mondiale du livre le 23 avril prochain et ce, pendant une année, la BNU de Strasbourg tient à rassurer : « Nous prenons ce sujet très au sérieux et les services concernés travaillent en ce sens afin de déterminer ou non si de tels documents font partie de nos collections. »
Le directeur du pôle partage et diffusion Jérôme Schweitzer expose le mode de fonctionnement : « On s’appuie sur la liste de 260 titres catalogués par le Poison Book Project. Parmi les 3,5 millions de documents de notre BNU, nous en avons trouvé six mais leur couverture originale verte n’étaient déjà plus présentes. » Les livres parus avant 1920 ne sont, de toute façon, pas accessibles au grand public et conservés dans la salle des livres rares et anciens. Si un ouvrage contaminé est retrouvé, la procédure est simple : isolé, restauré et numérisé pour ne plus avoir à le manipuler.