Ils étaient 400, le 23 juin 2025, à venir célébrer les 100 ans des éditions Eyrolles au cœur du Musée de Cluny à Paris. Sur scène, Paul-Antoine Eyrolles, directeur général du groupe Eyrolles depuis 2023, son père Serge, qui avait lui-même succédé à son père Marc et qui préside toujours le conseil d'administration, ainsi que Marie Pic-Pâris Allavena, directrice générale, incarnent la continuité familiale.
Une continuité à l'œuvre depuis la création de la maison d'édition en 1925 par Léon Eyrolles pour faciliter l'accès aux cours dispensés à l’École spéciale des travaux publics (ESTP), qu'il avait fondée en 1898.
« Quand j'ai rejoint mon oncle Serge Eyrolles, il avait besoin de quelqu'un de ma génération », retrace Marie Pic-Pâris Allavena, qui a intégré le groupe en 2007. Issue du monde de la banque et de l'entrepreneuriat, celle-ci a notamment cédé en 2002 sa société Futurekids, une école d’informatique pour les enfants.

Maison-monde
Sous l'influence de Marie Pic-Pâris Allavena, la ligne éditoriale, principalement axée sur les domaines professionnels et techniques, s'ouvre à des thématiques plus proches de la vie quotidienne. « Quand je suis arrivée, il y avait de jeunes éditrices qui avaient du mal à faire entendre leurs voix sur ces sujets », indique la directrice générale. Les réticences finissent toutefois par céder après le succès du Grand livre de ma grossesse (2009). « Ça a été une libération de pouvoir travailler tous ces sujets avec lesquels j'étais en adéquation : développement personnel, santé, famille… », explique-t-elle.
Un grand écart entre sujets techniques et grand public qui fait d'Eyrolles une sorte de « maison-monde », abordant les thématiques les plus diverses, avec 450 nouveautés par an. « Je ne pense pas qu'il y ait de maison positionnée sur plus de domaines que nous », estime Joanne Mirailles, directrice éditoriale pour le bien-être, le développement personnel, le parenting, les loisirs créatifs, les sciences humaines, le parascolaire, ou encore la jeunesse et la fiction.

Car depuis 2015 et la parution de Ta deuxième vie commence quand tu comprends que tu n’en as qu’une, de Raphaëlle Giordano, vendu à plus de 630 000 exemplaires en grand format, et meilleure vente du siècle en poche chez Pocket, la maison a fait des romans feel-good l'une de ses spécialités.
Dans le même esprit, Eyrolles publie Maud Ankaoua depuis 2017. Autoéditée à l'époque, la maison l'a découverte alors qu'elle venait présenter son livre à la librairie Eyrolles, installée depuis 1956 sur le boulevard Saint-Germain, au sein du siège historique. En 14e position du top 400 Livres Hebdo des librairies françaises en 2024, celle-ci embauche une quarantaine de personnes et constitue l'un des trois grands pôles du groupe, avec l'édition et Geodif, qui diffuse plus de 60 structures. « Il y a une proximité avec les équipes de représentants et avec les librairies. Il nous arrive de discuter pour avoir leur avis sur un positionnement, une thématique, une couv », rapporte Joanne Mirailles.

Du grand public très pro
Si les parutions grand public représentent environ 60 % de la production aujourd'hui, les domaines les plus techniques restent fièrement investis et défendus.
En charge depuis fin 2024 des fonds Business, BTP, Informatique, Maison, Photographie et Jardin, Émilie Lerebours encadre 13 personnes et se réjouit d'être arrivée au moment du centenaire. Pour préparer cet anniversaire, chaque éditeur a en effet été mobilisé pour éplucher le fonds et les archives, afin d'éditer la Gazette Eyrolles, qui retrace l'histoire de la marque.
On y apprend par exemple que dès la fondation, la ligne éditoriale s'oriente vers les savoir-faire manuels. L’une des premières collections qui diverge des publications réservées à l’ESTP sera « Le Livret du métier », avec des titres destinés aux coiffeurs, vanniers, chaudronniers, mais aussi des ouvrages pensés pour les femmes, à l'instar du Livret de la couturière (1935), à mi-chemin entre apprentissage professionnel et artisanat familial.
Un positionnement hybride qui caractérise encore le catalogue de la maison. « L'envie de faire des bons livres, à la fois très techniques et compréhensibles, a imprégné tous les secteurs, du dessin au yoga, ce qui nous conduits à proposer des livres plus poussés que nos concurrents même pour le grand public », estime ainsi Joanne Mirailles, qui supervise une équipe de 20 personnes.

« Innover facilement »
« Nous sommes sur des marchés qui présentent un certain nombre de défis à relever pour conserver nos places, notamment sur l'informatique qui évolue très vite et qui s'ouvre sur de nouvelles thématiques comme l'IA, le design, etc. Sans compter la concurrence des vidéos de formation en ligne », analyse Émilie Lerebours. Sur le e-learning, Eyrolles poursuit d'ailleurs un partenariat avec Coorpacademy, en retirant, selon la directrice générale, « un chiffre d'affaires tout à fait significatif ». Par ailleurs, Eyrolles a été parmi les premiers à faire du livre numérique – dès 2009 – lequel « représente aujourd'hui 8 à 10 % du chiffre d'affaires selon les thématiques », souligne Marie Pic-Pâris Allavena.
Du côté grand public, il s'agit désormais de consolider les positions de la maison, notamment sur la collection de poche qui a vu le jour en 2020 et sur le nouveau label de littérature young adult Solleyre, lancé en avril 2025 et dirigé par Capucine Delattre. « L'intérêt d'une maison familiale, c'est qu'on peut innover facilement, affirme Marie Pic-Pâris Allavena. Si ça marche on est très contents, sinon on arrête. »