Hommage

Charles-Henri Flammarion, le découvreur de talents

La quatrième génération en 1995 ; au centre Charles-Henri, à gauche Alain et à droite Jean-Noël. - Photo Collection particulière

Charles-Henri Flammarion, le découvreur de talents

Les hommages du monde du livre se multiplient, après la disparition de Charles-Henri Flammarion, ancien P-DG de Flammarion.

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Par Anne-Laure Walter,
Créé le 17.11.2020 à 00h20

Les hommages que nous avons reçus à la rédaction sont nombreux, à la hauteur du personnage, Charles-Henri Flammarion, disparu dans la nuit du 8 au 9 novembre. L’arrière-petit-fils d’Ernest Flammarion, qui a dirigé le groupe d’édition de 1985 à 2003, a recruté toute une génération d’éditeurs et accompagné des nouveaux auteurs qui font aujourd’hui la diversité de notre paysage éditorial.

Pour Vincent Montagne, président du Syndicat national de l'édition (SNE), "Charles-Henri Flammarion était un très grand éditeur, un très grand libraire aussi. Découvreur et développeur de talents, il avait une immense capacité d’écoute, qui le rendait attentif aux autres.  C'est tout le monde de l'édition et du livre qui est en deuil aujourd'hui". Charles-Henri Flammarion s'était impliqué en effet dans la profession au SNE mais aussi au Cercle de la librairie, qu'il a présidé de 1995 à 2003. "Charles-Henri Flammarion a été un président très avisé du Cercle de la librairie, il savait l’importance des enjeux interprofessionnels.", a déclaré Denis Mollat, son actuel président.

Une présence discrète et tutélaire

Sophie Berlin, secrétaire générale de l’édition chez Flammarion, rappelle, dans un beau texte à lire dans son intégralité ci-contre que son "esprit de liberté et de confiance a forgé nombre d’éditeurs de la place. Laurent Beccaria, Stéphanie Chevrier, Béatrice Duval, Hélène Fiamma, Gilles Haéri, Monique Labrune, Marion Mazauric, Héloïse d’Ormesson, Sophie de Sivry… On me pardonnera de ne pouvoir citer tous ceux qui font de Flammarion, aussi, une maison d’éditeurs. Mais Charles-Henri le savait parfaitement, lui qui, longtemps après qu’il eut quitté la scène, a continué de suivre et conseiller les uns et les autres. Une présence discrète et tutélaire qui va nous manquer."

D'ailleurs Monique Labrune, aujourd'hui directrice éditoriale des Presses universitaires de France, affirme que Charles-Henri Flammarion "est, à n’en pas douter, celui à qui je dois l’amour de ce métier"Elle ajoute qu'il "incarnait l’élégance intellectuelle, la rigueur et la finesse d’esprit. Homme d’une vaste culture, discret mais imposant, austère et drôle, il écoutait plus qu’il ne parlait. Grand éditeur, il respectait tous les lecteurs, néophytes ou savants."

Il a aussi mis le pied à l'étrier à Muriel Beyer, directrice adjointe d’Humensis, directrice de l’Observatoire, lui permettant d'intégrer "ce monde de l’édition que je croyais inaccessible à la provinciale que j’étais. Dire que sa confiance a été déterminante pour moi est un euphémisme. Je ne correspondais pas du tout aux critères de l’édition et il était sûrement un des rares patrons qui pouvait aimer les différences. Sa confiance a été un moteur. Lui et son frère Alain m’ont toujours soutenue. Ce milieu, Charles-Henri le connaissait par cœur et il le regardait souvent avec une distance amusée. Au fond, il était libre et différent. »

Fidélité

Marion Mazauric, qui a ensuite monté sa maison, Au Diable Vauvert, continuait à déjeuner deux fois par an avec Charles-Henri Flammarion, lui parlant de ses programmes, ce dernier connaissant tout de ce qui se tramait dans l'édition, alors qu'il avait quitté le métier en 2003. Sur le compte twitter de sa maison, elle a raconté qu'il "a été le premier témoin de la création de la maison et un Associé du Diable occulte et bienveillant."
Quelques jours plus tard, elle a publié un bel hommage sur les réseaux sociaux.


L'auteur Henri Lœvenbruck déjeunait aussi régulièrement avec celui qui fut son premier éditeur. "Il y a vingt-deux ans, guidé par Marion Mazauric et Jean-Christophe Delpierre, ce grand et insaisissable Monsieur est venu voir l’illustre inconnu en culottes courtes que j’étais, et il m’a tendu la main. (...). Je suis devenu l’auteur que je suis, et lui, il est devenu mon Capitaine Flam. Un homme secrètement facétieux, qui disparaissait aussi vite et aussi discrètement qu’il apparaissait. Un homme qui, dans une économie de mots, vous adressait des conseils précieux, bienveillants et durables. Une âme généreuse et sincère."

Cette fidélité est relevée par de nombreux éditeurs qui l'ont cotoyé. Laurent Beccaria, qui a travaillé chez Flammarion, témoigne sur les réseaux sociaux" Il fut le premier actionnaire de XXI, c’est à lui que l’on doit le format étrange de la couverture: il avait toujours un mot simple et juste. Après le fiasco d’Ebdo et la liquidation de la société, il fut d’une grande élégance. "

Sur Facebook, Françoise Nyssen, présidente d'Actes Sud, déplore la mort de ce "grand éditeur et homme de grande fidélité et curiosité pour ceux qu'il accompagnait. Il fut le partenaire fidèle et historique de nos aventures éditoriales et a œuvré pour la meilleure diffusion de nos livres et l'indépendance de la maison."

Des liens forts

Chef d'entreprise aguerri, Charles-Henri Flammarion a développé le spectre éditorial de son groupe. « Charles-Henri Flammarion, quatrième du nom, a eu à cœur de développer les différents secteurs éditoriaux de la maison généraliste transmise par son père, analyse Antoine Gallimard, président de Madrigall. Henri Flammarion avait en particulier pu installer des magnifiques départements de livres d’art et de sciences humaines. Charles-Henri a déployé les essais en poche autour de la marque « Champs », tout en développant J’ai lu, GF, Etonnants classiques et Librio – les premiers livres à dix francs. Henri Flammarion et Claude Gallimard avaient su tisser des liens forts entre leurs deux maisons, notamment lorsqu’il s’était agi pour le groupe Gallimard de créer une structure de distribution après la rupture avec Hachette. Ensemble, ils avaient aussi ouvert en 1970 une maison de distribution commune au Québec, la Socadis. »

Sa personnalité discrète, qui tranchait avec celles des personnes dont il pouvait s'entourer, revient souvent dans les témoignages. Héloïse d'Ormesson (texte ci-contre), qui fut recrutée par lui, s'amuse à raconter qu'"en dépit de sa personnalité réservée, Charles-Henri s’était attaché les services de la flamboyante et phénoménale Françoise Verny, son exact opposé. Le tandem détonnant qu’ils formèrent illustre la sagacité et la mansuétude qui l’animaient lorsqu’il s’agissait de l’intérêt de la maison qu’il plaçait au-dessus de tout."

Une reconnaissance de ses équipes

Dans un texte très poétique (à lire dans son intégralité ci-contre), Thierry Billard, directeur éditorial chez Plon, qui a travaillé pendant plus de vingt ans chez Flammarion, dresse le portrait de cet homme aux facettes multiples, qui "était tout et tant à la fois. Timide et enjoué. Secret et se confiant. Patron et complice. Chaleureux et froid. Proche et distant. Séducteur et figé. Cultivé mais n’aimant pas vraiment le montrer."

Toutes les personnes qui travaillent de longue date chez Flammarion ont d'ailleurs tenu à témoigner, à l'instar de Simone Bairamian (attachée de presse) qui loue "la personnalité très attachante de Charles-Henri – qui était aussi attentif à ses proches collaborateurs qu’à ses auteurs – qui m’a incitée, tout naturellement, à faire toute ma carrière chez Flammarion", ou Ghislaine Bavoillot, la directrice du département « Art de vivre » qui  a "eu le plaisir de travailler au côté de Charles-Henri Flammarion tout au long de ses dix-huit années de présidence. Je lui serai toujours reconnaissante de m’avoir soutenue dans la création de la ligne « Art de vivre ». Les livres que nous y avons développés sur Venise, la Toscane, la Bretagne, etc., ont fait rêver de nombreux lecteurs dans le monde entier. "
 

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