Avant-critique Roman

Carine Hazan, "Vies et survies d'Elisabeth Halpern" (Phébus)

Carine Hazan - Photo © Melania Avanzato

Carine Hazan, "Vies et survies d'Elisabeth Halpern" (Phébus)

Unissant deux femmes à travers l'Histoire et l'exil, ce deuxième roman de Carine Hazan convoque la mémoire et son devoir, la vengeance et sa nécessité.

Parution 16 janvier

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Par Olivier Mony
Créé le 23.01.2025 à 09h00

Une très douce haine. Il n'y a parfois rien de plus sujet à caution que les cinéastes, les gens de cinéma, qui s'essaient à la littérature (la charité nous empêche ici de citer des noms...). Ils considèrent généralement que la formule fameuse selon laquelle pour faire un bon film il faut « une bonne histoire, une bonne histoire et une bonne histoire » vaut aussi pour la page blanche. Funeste erreur qui méconnaît que le roman quoi qu'il raconte (et c'est généralement mieux lorsqu'il n'est pas bavard), c'est d'abord une écriture. Un style, un charme. Fort heureusement, il existe toutefois de (rares) exceptions à la règle. En France, Carine Hazan est l'une d'elles. Cette jeune femme, réalisatrice et scénariste (après avoir, aggravant son cas, fait ses premières armes dans la publicité), est rentrée dans la carrière littéraire avec un très charmant Jean-Jacques (HarperCollins, 2021). La voici de retour, cette fois-ci chez Phébus, avec un Vies et survies d'Elisabeth Halpern, rien moins que magistral.

Qui est cette Elisabeth Halpern ? La grand-mère de la narratrice, que cette dernière, une Française un peu en rupture de ban, rejoint en Australie, là où la vieille dame, « juive errante » née Léa Liebermann et n'ayant échappé à la déportation que par sa parfaite maîtrise de la langue allemande et un physique possiblement aryen, a trouvé refuge depuis des décennies. Elisabeth Halpern amène sa petite fille dans un hôtel dans les Alpes australiennes où elle ne tarde pas à flirter avec un vieillard à la santé fragile dont elle sait qu'il est un ancien SS... La haine se mêle alors avec douceur à la vengeance. Il va s'agir de faire enfin payer cet homme. Mais « ces fantômes-là échappent à toute action irréversible : morts ou vifs, ils continuent de rôder et de hanter les crânes à la façon du Gengis Cohn inversé de Romain Gary ; dibbouks, ils adhèrent à nos cauchemars, les alimentent et laissent derrière eux la traînée sanglante de leurs impardonnables méfaits. »

C'est bien un conte furieusement juif, c'est-à-dire où l'atroce le dispute au rire libérateur, le thriller à la fable philosophique, que nous propose Carine Hazan. Un livre grave qui a l'élégance de ne jamais paraître tel. On attend maintenant l'adaptation à l'écran...

Carine Hazan
Vies et survies d'Elisabeth Halpern
Phébus
Tirage: 5 000 ex.
Prix: 21 € ; 240 p.
ISBN: 9782752914194

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