La librairie, comme nombre de commerces, est doublement concernée par le mouvement social « Bloquons tout », qui s’annonce ce mercredi 10 septembre : par les perturbations de livraisons à prévoir ainsi que par l’incidence du mouvement sur leur clientèle.
Les professionnels du livre contactés révèlent des approches variables selon leur implantation géographique et leur public. Julien Gran Aymerich, responsable de L'inventorium à Beauvais, se montre par exemple peu concerné. « Je n'ai pas du tout cela en tête et mes collègues spécialisés en BD non plus. On est un peu dans le déni, même si on peut soutenir le mouvement », explique-t-il à Livres Hebdo. Le libraire évoque cependant les difficultés économiques actuelles qui ne lui permettent pas de s'impliquer. « Si on s'imagine qu'on ne sera pas livrés mercredi et que les clients ne viendront pas, c'est la dépression. » Il table sur sa zone de chalandise locale pour limiter l'impact, estimant que ses « clients ne suivront pas un mouvement d'arrêt de consommation ».
Moins d'inquiétudes dans les librairies de banlieue
Simon Payen de La Vie Immédiate à Charenton-le-Pont adopte une position similaire. Pour cette librairie de banlieue parisienne, la « problématique est très différente de mes collègues parisiens qui peuvent être inquiets, à juste titre ». Il mise sur sa clientèle de proximité. « Nos clientes et clients, qui sont presque uniquement des habitantes et habitants de la ville, ne vont juste pas sortir de la ville et privilégieront sans doute le télétravail ». Concernant l'approvisionnement, le libraire se dit préparé : « Nous avons du stock et sommes totalement prêts à assumer des retards de livraisons, ainsi qu'à l'expliquer à notre clientèle qui sera très compréhensive ».
Non loin de là, à l'Établi (Alfortville), Sylvaine Jéminet explique s'être « posé la question de la participation de la librairie au mouvement ». Elle souligne le dilemme économique. « Les difficultés sont nombreuses, notamment avec la rentrée qui nous pousse à tout vouloir tout de suite. Et pour les toutes petites structures, l'enjeu économique est d'autant plus grand », confie-t-elle. La libraire note cependant que « personne ne remet en cause la pertinence de la mobilisation » parmi ses collègues.
Plusieurs enseignes ont annoncé participer à « bloquons tout », soit en fermant complètement, telle L’Affranchie, à Lille, sinon en refusant de vendre des biens (livres et autres achats) par carte bancaire.
Un impact économique relativisé
La librairie toulousaine Le Comptoir du rêve, par la voix d'Axelle Boitelle, confirme son ouverture, mais conditionne sa fermeture à d'éventuelles « très grosses manifestations dans notre périmètre », tout en anticipant une fréquentation réduite, alors que sa clientèle est principalement âgée de 15 à 35 ans.
La rentrée littéraire semble offrir un matelas protecteur, plusieurs libraires évoquant des stocks renforcés en prévision de la période. « Avec la rentrée, quoi qu'il arrive, il y a beaucoup de boulot et d'engorgement », note Sylvaine Jéminet, qui doute qu’« une seule journée de mobilisation puisse vraiment affecter notre activité ». Les livraisons ont été anticipées, les distributeurs ayant organisé les approvisionnements entre lundi et mardi pour éviter les perturbations du mercredi. Reste à savoir comment ce mouvement se poursuivra au-delà de ce 10 septembre.